Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Tokyo, Mo Hayder, Éditions Presses de la Cité

Jan 5, 2020 #Presses de la Cité

Le moins que l’on puisse dire est que la camarade Hayder est quelque peu secouée de la cafetière. Pour s’en convaincre, il suffit de googoliser son nom pour découvrir qu’elle est partie à 25 ans au Japon après dix années de « sexe, drogue et rock’n’roll » pour vivre seule dans une chambre et travailler comme barmaid. On ajoute au portrait une fascination assumée pour le morbide et on a une grande partie de Tokyo. Dans le roman deux fois primé, Mo cède la place à une jeune anglaise dénommée Grey qui se retrouve très jeune dans la capitale japonaise sans un sou. Elle finit par être hôtesse dans un bar, pour faire boire les clients sans jamais coucher. Contrairement à Mo, Grey a une motivation qui explique sa venue à Tokyo : elle cherche un film qui relate le sac de Nankin par les Japonais en 1937. Un épisode particulièrement monstrueux de la conquête asiatique des Japonais où plusieurs centaines de milliers de Chinois ont été tués. Sans parler des viols. On laisse aux historiens le débat sur le décompte macabre et on signale que ces meurtres ont longtemps été niés par les Japonais, un peu comme le massacre des Arméniens par les Turcs. Mo Hayder se sert de ces éléments pour nous servir un thriller où s’entrecroisent le récit du sac et la recherche du film. À chacun selon ses goûts. On a donc le droit de préférer la partie historique du roman, fût-elle romancée, parce qu’elle nous fait découvrir des passages trop peu connus de ce qui s’est passé avant-guerre en Chine. Peut-être aussi parce que, quelles que furent les atrocités commises, cette partie du roman fait la part moins belle au morbide. La recherche du film est parfois passionnante quand on découvre la vie japonaise contemporaine et la place occupée par les yakuzas. On vous recommande aussi la vie de Grey dans une maison délabrée de Tokyo en compagnie de deux jumelles russes, Irina et Svetlana, que nul n’aurait pu identifier si elles n’avaient pas opté pour des couleurs de cheveux distinctes. Plutôt sympathiques les jumelles venues en Asie pour gagner leur vie. Et très concrètes quand elles expliquent à Grey ce que doit faire une hôtesse : « Parler client. Allumer sa cigarette. Toi dire lui formidable. Toi remettre glaçons dans sa saloperie de putain de verre à la con. ». Mais quand le roman s’emballe, c’est parfois trop. Les jumelles prennent peur devant le comportement du chef yakuza. Nous aussi. Ce n’est pas qu’un thriller doive se transformer en bluette, mais il faut au moins y croire.

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