Félix Faure, on connait tous un peu. C’est au minimum une station du métro parisien. Et plus généralement le président de la République mort à l’Élisée en 1899 dans les bras de sa maîtresse. Un évènement qui valut un concours de bons mots, comme celui de Clémenceau son ennemi politique qui aurait déclaré : « Il se voulait César, il ne fut que Pompée ». Mais sur cette mystérieuse femme que savons-nous ? Qui était-elle ? Une prostituée, une Messaline du lit ? Une créature, une adoratrice des draps froissés, une gourgandine, une hétaïre comme on ne manqua pas de le dire après le décès de Faure. L’historienne Sylvie Lausberg nous en dresse un portrait bien différent. Marguerite Steinheil, dite Meg, était avant tout une femme assumant son attrait pour la sexualité, ce qui était pour le moins mal vu à cette époque. Elle était aussi attirée par le pouvoir ce qui l’a amenée à jouer un rôle réel autour de l’affaire Dreyfus. Sa vie ne s’est pas non plus limitée à sa relation avec Félix Faure, puisqu’elle fit dix ans après la une des journaux quand elle passa aux assises. Marguerite est née dans une riche famille d’industriels, proche de la famille Peugeot. Alsaciens, les Japy comme les Peugeot résident à côté de Belfort, le territoire où tant d’Alsaciens se sont réfugiés pour échapper à l’annexion prussienne. Ce sont tous des Protestants. Meg est mariée jeune, contre sa volonté à un peintre de vingt ans son aîné, Adolphe Steinheil. Même s’ils ont une fille, Steinheil accorde rapidement sa pleine liberté à Marguerite. Cela tombe bien, elle ne tire aucun plaisir à partager sa couche et lui préfère d’autres hommes. Meg crée son salon où se pressent ceux qui comptent : magistrats, écrivains ou hommes politiques. Elle devient la maîtresse de Félix Faure et le suit dans ses déplacements. Survient l’affaire Dreyfus qui va fracturer la France. Alors que l’antisémitisme n’a jamais aussi bien fonctionné, Marguerite Steinheil va soutenir l’officier injustement condamné. Elle se range ainsi à la position de nombreux Protestants d’Alsace qui, comme les Juifs, ne sont pas considérés comme de vrais Français. Alors qu’il est franc-maçon Félix Faure ne désavoue pas pour autant les généraux de l’Armée française. Et il faudra bien du temps pour qu’Alfred Dreyfus soit tout d’abord gracié puis reconnu innocent. Dix ans après la mort de Félix Faure, Meg fait de nouveau les grands titres des journaux. Son mari et sa mère sont assassinés et elle se retrouve devant la cour d’assises. Présentée comme une femme de petite vertu, meurtrière. Elle est également accusée d’avoir eu des contacts avec une puissance étrangère à qui elle aurait transmis des documents relatifs à Félix Faure. Relaxée, elle échappe à la guillotine et part refaire sa vie en Angleterre où elle épouse un lord. Elle s’éteint bien après son second mari en 1954 sans avoir dévoilé tous les secrets de son existence.