Difficile d’exprimer tout ce qu’un lecteur normalement constitué ressent en fermant le roman de Valérie Perrin. Envie d’y retourner. Envie de faire une pose tant ce livre déborde d’émotions. Et pourtant le pitch n’est pas particulièrement tentant. Violette est née sous X dans les Ardennes. Elle y gagne le nom de Trenet, sans doute parce que la sage-femme appréciait le chanteur. Violette change de patronyme très jeune en épousant un jeune branleur, Philippe Toussaint, beau mec mais qui ne se révélera pas être une bonne pioche. Philippe n’a jamais travaillé et ne dérogera pas avant longtemps à cette règle. Il accepte pourtant de suivre Violette du côté de la Lorraine où ils actionnent une des dernières barrières manuelles de la SNCF. Le pluriel est mal adapté à la répartition des tâches, Violette s’occupant de tout alors que Philippe passe le plus clair de son temps à jouer à la console et à faire des tours à moto. Il conjugue également le verbe enfiler sa voisine à tous les temps et à tous les modes. L’arrivée de Léonine illumine la vie de Violette mais ne change rien à celle de Philippe. Elle ne rapproche pas non plus Violette de ses beaux-parents. Surtout de sa belle-mère qui ne l’a jamais trouvée digne d’épouser son fils. Les meilleures choses ayant une fin, la SNCF automatise la barrière et Violette postule à la fonction de garde-cimetière dans un village de Bourgogne où elle emmène son mari. L’histoire devrait devenir plus glauque encore dans ce nouvel environnement. Mais c’est bien tout le talent de Valérie Perrin de la transformer en fabrique à petits bonheurs. Violette passe son temps à distribuer de l’amour autour d’elle. En s’occupant des tombes, en écoutant ceux qui viennent lui raconter leur vie. Tous les enterrements ne sont d’ailleurs pas tristes. Certains donnent lieu à des concerts de jazz manouche. L’humour est souvent présent dans le récit. Une épouse affirme ne jamais vouloir retrouver son mari dans sa tombe parce qu’il l’a déjà assez emmerdée comme cela de son vivant. Une employée se pointe à la cérémonie de sa patronne pour vérifier qu’elle en est bien définitivement débarrassée. Quant à un des trois fossoyeurs fan d’Elvis, il chante son répertoire à sa façon : « Love mi tendeur, love mi trou ». Le bouquin tourne au roman policier dans sa deuxième partie mais il regorge toujours autant de personnages qui diffusent le bien. Donc si vous voulez passer un excellent moment en découvrant les secrets de la vie des plantes ou la manière de boire le thé avec un vieux sage n’hésitez surtout pas. On vous le rembourse si vous n’aimiez pas.