Encore un livre sur les racines qu’il est dangereux de couper. Line Papin nous raconte l’histoire de sa famille vietnamienne et surtout celle des femmes qui la constituent. Tout commence dans un village du Nord dont le pont est si important pour les convois militaires qui mènent la guerre contre les Français d’abord puis les Américains. Si important qu’il devient une cible privilégiée pour les bombardements. C’est dans ce village que vit Trang, un jeune homme qui deviendra professeur et Ba une jeune fille qu’il épouse et qui lui donnera trois filles. Leurs prénoms commencent par un H, on ne les connaîtra jamais, ce seront les sœurs H. Trang s’en va travailler à Hanoï bientôt rejoint par Ba et leurs filles. Exit la campagne luxuriante où on se broie le dos à cultiver le riz. Bonjour la ville minérale où l’on troque la maison de terre pour un appartement. C’est encore la période de l’embargo américain, on manque de tout, mais la famille est réunie. On mange ensemble par terre et il faut être vif pour bénéficier des meilleurs morceaux. La seconde sœur H rencontre un expat français, en tombe amoureuse, et finit par l’épouser. Ils ont un fils, qui verra le jour en France avant de retourner au pays, puis en 1995 arrive Line. Elle naît à l’hôpital de Hanoï, où il faut protéger les nourrissons des rats, puis revient grandir sous l’aile de Ba sa grand-mère. Les parents de Line souhaitent toutefois s’émanciper et intègrent une résidence sécurisée située à proximité de Ba. Elle le vit mal mais prend l’habitude de visiter sa petite-fille. Pour Line c’est l’époque du bonheur. Les enfants de la résidence vivent nus, baragouinent l’anglais pour se comprendre, profitent de la piscine et courent partout. Les vigiles protègent l’entrée ce qui est une nouveauté à Hanoï car la norme au Vietnam est de laisser les maisons ouvertes. Si le besoin s’en fait sentir, on rentre et on demande une tasse de thé. Il y a aussi Co Phaï la nounou qui aime Line comme sa fille. À dix ans les parents de Line décident de s’installer en France. C’est un déchirement pour Ba puisque la première sœur H est déjà partie à Varsovie. Ce sera pire encore pour Line qui ne le sait pas encore. Sa mère s’adapte tant bien que mal. Elle a d’ailleurs déjà connu une expérience à l’étranger ayant fait une partie de ses études à Moscou. Le pays du grand frère soviétique était loin et si différent. Elle ne pouvait donc pas savoir que ce n’était pas une bonne idée que d’y arriver en hiver avec des sandales. En France, la seconde sœur H réapprend à conduire. Au Vietnam c’était « C’est ta route, tu y roules. Aucun connard ne doit t’empêcher de passer». Pour Line c’est beaucoup plus dur. Avant elle avait cinq familles : sa ville, ses parents, sa nourrice, ses grands-parents et ses amis. À Tours elle n’a plus personne même si elle profite un temps de ses cousines. Sa grand-mère se met certes à Internet, mais cela ne change pas grand-chose à leurs rapports. La descente commence pour Line. Elle la mènera au plus bas jusqu’à ce qu’elle comprenne d’où vient le mal. Line Papin a aujourd’hui vingt-cinq ans, c’est son troisième livre et on n’a pas fini de parler de cette écrivaine.