1959, De Gaulle est revenu aux affaires et s’apprête à cocufier les tenants de l’Algérie française. En attendant, la police traque le FLN. Maurice Papon est aux premières loges à la préfecture de police où il peut compter sur son adjoint Jean-Paul Deogratias pour tous les coups tordus. Dans son viseur Abderhamane Bentoui un avocat du FLN qu’il fait assassiner par Victor Lemaire, un homme de main. À charge pour Sirius Volkstrom, un des affidés de Deogratias, de flinguer Lemaire pour effacer toutes les traces. Pas de chance, Lemaire trouve l’avocat en compagnie de sa famille. Or Lemaire est un branque. Il abat les cinq personnes avant de mettre les bouts. Passe encore pour le bicot et son frère, mais l’assassinat de sa femme et ses deux enfants, de vrais Français, provoque une sacrée émotion dans l’opinion publique. Début d’un polar dont vous nous direz des nouvelles. Un roman qui prend ses racines dans l’histoire de France. Où apparaissent en plus de Papon, Jean-Marie Le Pen et François Mitterrand. Pas à son avantage Mitterrand, pris dans la nasse après l’attentat de l’Observatoire. On y découvre aussi la création du Sac, le service d’action civique qui réunit malfrats et activistes gaullistes. Mais le roman vaut surtout par ses principaux personnages dans une aventure qui les dépasse et va les amener à agir ensemble. Commençons par Luc Blanchard, un jeune flic à qui on confie l’enquête en compagnie d’un collègue plus vif à vider les bouteilles qu’à élucider un meurtre. Blanchard comprend vite que le coupable imposé par Deogratias arrange tout le monde. Pourtant Blanchard est un bon flic, consciencieux au point de devoir se rendre à l’hosto pour faire soigner sa main, tant il a interrogé de suspects. D’autres ont du mal à avaler la thèse officielle. Proche de l’extrême-droite, Sirius Volkstrom n’a aucune sympathie pour l’Algérie indépendante mais il sait que la tâche qui lui a été confiée cache un secret d’État. Antoine Carrega est le troisième protagoniste du bouquin. Petit trafiquant corse, il convoie de la came entre Marseille et Paris. Il s’en contenterait quand le beau-père de l’avocat du FLN vient le trouver. Il le charge d’élucider ce crime. Or on ne refuse rien à son ancien chef de réseau de la Résistance. Thomas Cantaloube nous sert un roman totalement addictif mais qu’on hésite à terminer tant il est plaisant. Un roman bien moins politique que Meurtres pour mémoire de Didier Daenincks, qui nous avait fait découvrir le massacre du 17 octobre 1961, quand Maurice Papon faisait jeter à la Seine des manifestants algériens. Thomas Cantaloube, aujourd’hui journaliste à Mediapart privilégie l’atmosphère de l’époque. On se régale du Paris des années 60, quand les flics utilisaient des Dauphine. Des bistrots corses où des porte-flingue tapent le carton dans la fumée de cigarette. Des anciennes putes au grand cœur qui initient les jeunes flics à leur savoir. On se prend à rêver que Lino Ventura apparaisse dans une des scènes. Mais surtout, on n’a qu’une idée en tête : que va-t-on pouvoir lire après ?