Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Mille jours à Venise, Marlena de Blasi, Éditions Gallimard

Nov 3, 2018 #Gallimard

Ah l’amour… Ça vous tombe dessus n’importe où. Pour Marlena c’est à Venise, un lieu qui s’y prête. Cette Américaine, qui a passé les cinquante ans, est en villégiature dans la Sérénissime avec des amis quand elle croise Fernando. Il a le même âge et des yeux myrtille. Dix-huit jours plus tard, « son bel étranger » la rejoint chez elle à Saint-Louis (Missouri). Après son premier bain, Fernando apparaît devant Marlena avec une robe de chambre en lainage vert foncé et des chaussettes couleur bordeaux tirées jusqu’aux genoux. Et elle décide de l’épouser. Comme quoi des goûts et des couleurs… Faut-il qu’elle soit amoureuse pour quitter son pays, ses enfants, ses amis et surtout sa maison qu’elle a amoureusement aménagée jusqu’à faire mettre sept couches de peinture dans son salon pour obtenir la teinte idéale. Mais peu importe les tracasseries administratives que lui fait subir la consule d’Italie à Saint-Louis, qui lui explique qu’elle a préféré épouser un Américain. Car les Américains sont moins furbi, rusés, que les Italiens. Marlena finit par retrouver Fernando à l’aéroport de Milan, munie de ses valises. Direction Venise et plus précisément le Lido, cette bande de terre située entre la lagune et l’Adriatique. Le choc est rude quand elle pénètre dans l’appartement de Fernando, si petit, si sombre, et encombré par les cartons envoyés des États-Unis. Mais Marlena n’est pas femme à se laisser décourager. Elle prend rapidement l’habitude de se rendre le matin dans la petite pasticceria située en bas de chez elle pour y acheter des croissants fourrés à l’abricot, avant de prendre son cappuccino dans un bar, puis d’acheter des biscuits au vin blanc à la boulangerie. Avec la nourriture italienne, Marlena revit. Elle qui tenait un restaurant à Saint-Louis et qui exerçait aussi le métier de critique gastronomique. Elle s’épanouit au marché du Rialto. Pas en achetant des babioles pour touristes. En fréquentant les macellerie, les boucheries, la pescheria, la halle aux poissons ou la drogheria Mascari qui fait commerce des épices. Mais sa préférée est la marchande d’œufs, qui arrive de sa ferme en portant un sac de toile contenant cinq ou six poules. Elle leur parle en dialecte vénitien : « Dai, Dai me putei, faseme dei bei vovi ! ». « Allez, allez, mes bébés, faites-moi de beaux œufs ! ». Marlena se fait adouber par le gérant d’une osteria au point de lui faire découvrir la cuisine américaine. Malgré les locaux baignant dans la crasse et la graisse, elle lui fait déguster ainsi qu’à ses amis commerçants du caviar du Mississipi, du ragoût d’huitres et des crabes mous. Les convives s’en lèchent les doigts de plaisir. « Ma l’ha fatto l’Americana ? Davvero ? ». « C’est vraiment l’Américaine qui a fait ça ? ». Si après cela vous n’aimez pas Venise…

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