Autant le dire. On ne sort pas indemne de la lecture du bouquin. Il faut même s’accrocher pour tenir tant son environnement est noir, la puanteur et l’absence de sentiments constituant le lot quotidien de ces cinq générations d’éleveurs de porcs. Toute l’histoire se déroule dans un lieu unique : l’exploitation sise à Puy-Larroque, petit village du Gers. Elle débute en 1898 quand le père et la mère survivent dans leur ferme dont les murs intérieurs sont ouverts pour profiter de la chaleur de l’étable. Aucun sentiment entre eux. On survit plus qu’on ne vit avec deux seules tenues vestimentaires. Rien ne se perd. Surtout pas les déjections animales et humaines qui alimentent le tas de fumier pour engraisser la terre le moment venu. Survient Éléonore leur fille qui va traverser le siècle. Harassé, tubard, le père cède la place à Marcel un cousin qui vient le remplacer sur l’exploitation. Il n’en partira qu’en 1914 mobilisé pour la guerre de 1914-1918. Enfin surtout celle de 1914 car la plupart des conscrits ne reviendront pas. Marcel fait partie des survivants mais il le paye au prix fort car il y a laissé la moitié de son visage. Il finit par engrosser Éléonore, découvre le pactole caché de la mère qui vient de décéder. Ce qui lui permet d’acheter des terres. Fin du premier épisode. Le second débute en 1981. Éléonore est toujours vivante. Son fils Henri dirige désormais un élevage intensif au côté de ses deux fils. Nous rentrons dans l’horreur de la porcherie où les animaux sont réduits à l’état de simples objets. Les porcelets sont si nécessaire fracassés pour être éliminés. Les truies attachées ne peuvent plus bouger. Elles sont saillies, pondent leur portée jusqu’à en mourir. Le tout dans un bâtiment inondé d’excréments et dont les vrais propriétaires sont les rats. La folie ambiante ravage la structure familiale psychologiquement et médicalement. Car l’utilisation forcenée des pesticides et des antibiotiques se paye nécessairement un jour. Deux lueurs d’espoir surgissent quand même tout à la fin. Comme quoi on a bien fait de s’accrocher. Et pas uniquement parce que Jean-Baptiste Del Amo est un sacré écrivain.