Un magnifique bouquin sur le manque d’amour. Ça se déroule en Sardaigne sur cinquante ans autour de la vie d’une grand-mère qui nous est racontée par sa petite-fille. Tout débute en 1943 près de Cagliari quand celui qui allait devenir le grand-père arrive au village. Il vient de perdre sa famille et sa maison dans les bombardements alliés qui ont ravagé la ville. Ils se marient dans la foulée car la venue de cet homme est une occasion inespérée pour cette presque vieille fille de 30 ans. Non parce que Grand-mère n’est pas belle, mais parce qu’elle semble faire fuir les hommes. Au point que sa mère la croit entre les mains du Démon. De mariage, il n’y en eu au début que le nom puisque Grand-mère n’aime pas Grand-père. Il ne s’en offusque pas acceptant de vivre comme frère et sœur, de la vouvoyer et de continuer à aller dans les maisons closes. La guerre terminée, Grand-mère décrète qu’il ne doit plus dépenser de l’argent avec les femmes. Elle lui demande de lui apprendre ce qu’elles lui font et s’engage à les imiter. La vie s’améliore peu à peu en Sardaigne. On y souffre moins de la faim, surtout quand on a la possibilité de s’approvisionner dans les villages. Quand elle en revient, Grand-mère se sent heureuse avec les odeurs du bouillon de poule, du fromage et des œufs qui envahissent la maison. Elle se dit heureuse, mais peut-on la croire ? En 1950, Grand-mère souffre de coliques néphrétiques qu’elle pense être à l’origine de ses fausses couches. Elle part seule en cure sur le continent et y découvre l’amour de sa vie. Celui qu’elle appelle Le Rescapé, car il est revenu de la guerre avec une jambe en moins. Alors qu’elle n’a presque pas été à l’école, il lui lit le journal, lui demande son avis sur tout, de la guerre en Corée aux événements de Chine. Il l’appelle « princesse ». « Et si nous embrassions nos sourires » lui demande un jour Grand-mère. En rentrant de sa cure, elle est enceinte, ce qui ne dérange pas Grand-père qui l’aime à sa façon. En 1963, ils partent tous les deux avec leur fils à Milan. Il s’agit de reprendre contact avec la sœur de Grand-mère qui y a émigré il y a longtemps. Leurs liens ne sont plus qu’épistolaires avec des courriers qui décrivent la modernité de la vie milanaise. On y a tout le confort. Nul besoin d’économiser l’eau comme en Sardaigne et on passe son temps dans les magasins. La vérité est moins glorieuse. Le beau-frère de Grand-mère n’est que chiffonnier et sa sœur fait des ménages. Les modestes jambons et fromages sardes qu’ils ont amenés améliorent grandement la vie de la famille qui se fait de plus traiter de culs-terreux du Sud. Grand-mère n’a en fait qu’une idée en tête : retrouver le Rescapé.