Phileas Fogg avait mis 80 jours. Alexandre Poussin et Sylvain Tesson auront besoin d’un an. Mais ils ont fait le tour du monde à vélo avec seulement 1 000 euros. À la force des jarrets, même s’ils ont aussi utilisé l’avion pour passer du Sénégal en Argentine et du Chili en Indonésie. Poussin et Tesson avaient alors vingt ans, tout leur avenir devant eux, et ils allaient devenir deux écrivains-voyageurs comme le montrent Berezina et Carnets de steppes deux récits de Sylvain Tesson. Il ne leur faut pas beaucoup de temps pour comprendre que le poids est l’ennemi du voyageur. Aussi allègent-ils de moitié leur paquetage peu après Fontainebleau sans pour autant se séparer de leurs flûtes, d’une Bible et d’un carnet de poésie. Première grosse difficulté : la traversée du Haut Atlas au Maroc avec des cols à plus de 2 000 mètres d’altitude. Et premières rencontres avec des autochtones qui ne cesseront de leur proposer l’asile pendant leur périple. La traversée de la Mauritanie est tout aussi périlleuse avec ses pistes et ses fonctionnaires corrompus qui cherchent à plumer les voyageurs. Le pays est aussi le premier à leur faire comprendre les dangers de l’intégrisme islamiste qui s’y est déjà imposé dans ces années 90. À Dakar ils retrouvent leurs parents. Direction Buenos Aires grâce à un gigantesque Iliouchine de l’Aeroflot histoire d’atteindre Santiago. Deux mille kilomètres de l’interminable Pampa argentine à la Cordillère des Andes avec ses cols à 4 000 mètres. La route d’Alexandre et de Sylvain reprend à Singapour après des escales à l’île de Pâques, à Tahiti et en Nouvelle-Zélande. De quoi se donner du bon temps et reprendre des forces. Les véritables difficultés asiatiques débutent en Thaïlande. Les deux cyclistes détestent la tentaculaire Bangkok. Ils découvrent la catastrophe écologique en cours dans les campagnes où l’on brûle les forêts sur les collines pour que le limon lessivé par les pluies engraisse les rizières. La proximité du Triangle d’or, la plaque tournante du trafic de drogue aux confins de la Thaïlande, de la Birmanie, du Laos et de la Chine, ne facilite pas le voyage. Ce ne sera rien par rapport à la traversée du Tibet avec ses cols à plus de 5 000 mètres, ses tempêtes de neige et ses militaires chinois qui cherchent à vous dépouiller. Et pour ne rien arranger, la transmission des deux vélos Peugeot est rincée avec des chaînes qui n’accrochent plus pignons et plateaux tant ils sont usés. En Iran, Alexandre tombe malade. La mère de Sylvain qui est médecin lui diagnostique une hépatite. Elle lui annonce la fin du voyage. Mais pourquoi donc rentrer à Paris en avion puisque nul ne sait soigner cette maladie ? Alexandre s’en sort en suivant les conseils d’une vieille Iranienne : manger un kilo de miel par jour. Les deux cyclistes peuvent reprendre leur périple. Le Baloutchistan aux mains des trafiquants de drogue est une horreur. Le retour via la Russie et l’Ukraine leur amène leur lot de difficultés. Mais Paris n’est plus loin.