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Le blog de Laurent Bisault

Un bref désir d’éternité, Didier Le Pêcheur, Éditions Jean-Claude Lattès

Juin 21, 2020 #Jean-Claude Lattès

C’est à un voyage dans le Paris de la fin du XIXe siècle que vous convie Didier Le Pêcheur. Un voyage que l’on vous conseille si vous souhaitez passer un excellent moment au milieu des gagneuses et des marlous, des condés et des bourgeois qui s’encanaillent. Il vous emmène dans une ville où les ouvriers se tuent à la tâche sans espoir de faire de vieux os. Plus dure encore est la vie des femmes, abonnées aux coups des pères puis des maris, élevant des marmots sans en avoir les moyens, ce qui ne les dispensent pas de gagner leur vie. Par nécessité et rarement par choix, certaines vendent leur corps croyant échapper à la misère. Mais les contreparties ne manquent pas. Fût-ce pour une fille du même nom, on ne tapine pas dans la joie, car en plus des clients il faut aussi en passer par un protecteur pour survivre dans le métier. Dans ces années 1890, certains refusent pourtant cette société. Ils sont anarchistes et posent des bombes. Traqué par toutes les polices de France, Ravachol terrorise bourgeois et patrons. Moins idéologues, de jeunes gens se sont regroupés en bandes et ils imposent leurs lois aux abords des fortifications, là où le surin et le respect du chef en imposent à la rousse. La terreur suscitée par Ravachol prend fin en 1892 quand Jules Lhérot, garçon de café, reconnaît le poseur de bombes dans son établissement. Il court le dénoncer au commissariat. La justice passe et condamne Ravachol à la guillotine. La presse qui s’empare de l’événement pour vendre du papier lui en est reconnaissante. Mais les anarchistes se vengent en faisant sauter le café, tuant le peu de famille du loufiat. La vie de limonadier prend fin et Jules devient policer. Quoi de plus beau pour un héros de la Nation que de faire respecter l’ordre ?

Zélie c’est la Casque d’or de Becker, la vraie vie en plus

Zélie a choisi un autre chemin. À 15 ans, elle fuit son père et fait le trottoir pour survivre. Raflée par les policiers, elle est envoyée en maison de correction au grand dam du commissaire Raynaud qui sait qu’elle en ressortira mieux armée pour son métier. Raynaud, un commissaire pas comme les autres. Poête quand il ne dirige pas ses hommes. Et humain quand il sauve Madeleine du déshonneur, quand son amant décède d’épectase dans ses bras. Pour Zélie, Raynaud ne peut pas grand-chose. Car cette fille c’est la Casque d’or de Becker, la vraie vie en plus. Ses hommes l’emmènent le dimanche danser dans les guinguettes, et savent « lui mettre en joie sa petite boutique ». Mais elle doit pour cela ramener de l’argent les autres jours. Comme Casque d’or, Zélie provoque des batailles entre souteneurs et c’est Milo qui l’emporte. Le bel apache s’impose, lui qui a appris à tuer dans les Bat’d’Af’, et qui s’en souvient du côté des fortifications. N’allez pas pour croire autant qu’ils seront heureux et qu’ils auront beaucoup d’enfants. Dans ce Paris célébré par Eugène Sue, la réussite n’a pas cours chez les miséreux. Et leur code d’honneur a aussi ses limites. De toute façon, la police veille, non pas pour arrêter ces détrousseurs de bourgeois. Elle prend note de tous ceux qui viennent s’encanailler chez les gourgandines. Ça peut toujours servir. Alors profitez de la courte de vie de Zélie et de Milo, et même de celle de Jules, vous ne le regretterez pas.

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