Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Les cavaliers, Joseph Kessel, Éditions Gallimard

Juil 17, 2020 #Gallimard

Joseph Kessel vient de rentrer dans La Pléiade. Une bonne raison pour lire ou relire une partie de ce qu’a écrit celui qui a longtemps été considéré comme un journaliste chez les écrivains parce que ses romans faisaient suite à des reportages, et pour un écrivain chez les journalistes car il avait la plume facile. Au sein d’une œuvre pléthorique, on met souvent en avant Les Cavaliers, ce roman construit autour du bouzkachi en Afghanistan. Le bouzkachi, un jeu équestre partagé par les pays d’Asie centrale, où tous les coups sont permis aux tchopendoz pour ramener à cheval la dépouille d’un bouc. Or pour la première fois, un bouzkachi est organisé par le roi à Kaboul. Une incroyable opportunité pour les tchopendoz des trois provinces du Nord de se couvrir de gloire loin de leurs steppes. Dans la province de Maïmana, le vieux Toursène, 70 ans, est le roi des tchopendoz. Mais Toursène, dont le corps a été maltraité par des années de bouzkachi, est désormais trop âgé pour y participer bien qu’il ait à sa disposition un cheval magnifique héritier de générations d’étalons de grande valeur. Ce sera donc à son fils Ouroz, accompagné de Mokkhi son palefrenier, de se rendre à Kaboul pour faire triompher l’étalon Jehol, la perle des écuries de Toursène. Toursène prend l’engagement de céder Jehol à Ouroz en cas de victoire du cheval. Ce qui lui coûte car les rapports sont loin d’être apaisés entre le père et le fils. Toursène regrette de devoir céder sa place à Ouroz, alors qu’Ouroz déteste son père qui ne lui a jamais montré le moindre signe d’affection. Le récit prend un tournant inattendu car si Ouroz se casse une jambe pendant le bouzkachi, Jehol gagne pourtant l’épreuve piloté par un autre tchopendoz de la province de Maïmana qui s’est emparé du cheval. En plus de la honte de la défaite, Ouroz doit affronter celle de son hospitalisation à Kaboul pendant laquelle une infirmière européenne lui présente un thermomètre dont son voisin doit lui expliquer l’usage. C’en est trop pour lui. Il casse son plâtre, récupère Jehol et Mokkhi, et part malgré la douleur à cheval en bon descendant des Mongols arrivés dans le pays derrière Gengis Khan.

On n’écrira plus de roman comme celui de Kessel avant longtemps

S’en suit le récit du voyage dantesque à travers les montagnes du pays. On n’écrira plus de roman comme celui de Kessel avant longtemps. D’abord parce qu’il est loin le temps où Kessel pouvait nous décrire un pays dont les frontières étaient russe, persane, tibétaine et hindoue. Mais aussi parce que la traversée de l’Afghanistan n’est aujourd’hui plus possible tant le pays a été dévasté par des années de guerre. On n’écrira sans doute plus comme Kessel le faisait des femmes qui occupent une bien maigre place dans son roman. Elles sont soient inexistantes, à l’image de ce qu’elles étaient dans la société de l’époque. Mais quand ce grand séducteur qu’était Kessel invente un personnage féminin, il la dote alors de bien des perversités. Cela ne nous empêche pas de nous accrocher au récit qui nous transporte de caravansérails miteux en campements de fortune. Un voyage au côté de troupeaux de moutons précédés de chameaux monstrueux, avec pour seul but de retrouver les steppes du Nord. Alors à cheval et profitez des haltes pour savourer le thé bien noir et très sucré sans oublier la confiture à la graisse de mouton.

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