Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Les désossés, François d’Épenoux, Éditions Anne Carrière

Nov 24, 2020 #Anne Carrière

Pourtant tout avait bien commencé. Le chalet de ski situé tout en haut de la station de la vallée de la Mourière était luxueux. Il faut dire que son propriétaire Marc Saillard, homme d’affaires de 75 ans, y avait mis le prix. D’abord en arrosant consciencieusement le maire du village, ce qui avait permis d’ériger la bâtisse sur un terrain inconstructible, mais tellement bien placé. Le reste était à l’avenant : charpente en bois travaillé, incrustations de lauze, terrasses piquées de lumignons, garages pour plusieurs voitures, spas, piscines intérieures. Inutile de préciser que pour se déplacer dans ces lieux accidentés, Marc avait opté pour une Porsche Cayenne. Tout autre quatre-quatre aurait constitué une faute de goût. À l’intérieur sa femme Liz l’attendait avec à portée de main ses vêtements en chinchilla, panthère de Somalie ou en zibeline de Bargouzine. De quoi attester qu’elle n’était pas smicarde. Leur fille Juliette les accompagnait ainsi qu’Éric son futur mari. Rose la domestique africaine était sur le pied de guerre pour les servir ainsi que Slavko, le chauffeur et homme à tout faire de Marc. Si ce n’est les chips à la truffe qui manquaient chez le traiteur local, celui qui vendait de la confiture de myrtille au prix du caviar, tout était dispo pour le joyeux dîner préparé afin de recevoir dans les meilleures conditions Anne-Marie, une vieille amie de Liz. En l’attendant, la maîtresse du foyer avait pris un peu d’avance en se faisant ouvrir une excellente bouteille.

Et quand la puanteur eut inondé le chalet, les convenances sociales ne résistèrent pas

Dommage qu’Anne-Marie se soit fait autant désirer. Il faut dire qu’il neigeait, ce qui n’est pas anormal dans une station de sports d’hiver. Mais il neigeait vraiment beaucoup. Au point que Marc et Slavko partis à la rencontre d’Anne-Marie avaient dû abandonner leur voiture qui ne parvenait pas à avancer dans une si grande quantité de poudreuse. Une fois rentrés au chalet, plus personne ne put en sortir tant les chutes de neige s’étaient amplifiées. Et personne ne réussit non plus à accéder à ce point haut de la station. Ainsi commença ce séjour pendant lequel les habitants durent peu à peu s’adapter aux coupures d’électricité, d’eau et au froid une fois que tout le bois eût été brûlé. La faim les tarauda rapidement parce que la chiffonnade de viande des Grisons prévue pour le buffet ça n’a jamais tenu au corps. Et quand la puanteur eut inondé le chalet, allez-donc tirer la chasse sans eau, les convenances sociales ne résistèrent pas. Difficile de raconter davantage de ce huis clos sans dévoiler une grosse partie de l’intérêt du roman. Mais tenez-le vous pour dit. La prochaine fois que vous partirez en montagne n’oubliez pas de regarder la météo. Et prenez soin de sélectionner vos compagnons.

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