Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Les fils du pêcheur, Grégory Nicolas, Éditions Les Escales

Mai 12, 2021 #Les Escales

« Y’a skiff », il y a ce qu’il faut en breton version Grégory Nicolas. C’est ce que disait son père à sa mère quand elle lui demandait s’il y aurait assez d’essence pour emmener la famille en virée à Brest. Et il y a tout ce qu’il faut dans ce cinquième roman de notre auteur breton préféré. Tous chroniqués sur ce blog et qui vont finir par constituer un ensemble incontournable. Avec ses fils conducteurs, la famille, la Bretagne, le Jura, l’amour du vin, le vélo qui apparaît toujours d’une façon ou d’une autre. Côté pinard on savoure virtuellement dans ce nouveau roman la cuvée Les Chalasses Marnes Bleues de chez Jean-François Gavenat, un côte du Jura qui doit laisser de sacrés souvenirs. Les fils du pêcheur est un livre sur les relations d’un père et de ses fils qui s’interrompent brutalement avec le naufrage du père. Le décès va amener son fils aîné Pierre à se remémorer ce qu’ils avaient vécu ensemble, à nous raconter l’histoire familiale jusqu’à ce qu’un nouvel événement intervienne. La petite musique chère à Grégory Nicolas cède alors la place au roman noir. Et elle constitue avec le début du livre une franche réussite.

Tout Breton qu’il était le paternel n’était pourtant pas né au bord de l’eau

Tout commence le jour qui devait être celui de la mise à l’eau de l’Ar c’hwil le bateau de pêche du père. Un coquiller blanc et bleu de 10,3 mètres de long. Pas besoin de plus car quand il avait décidé de fonder une famille, il avait aussi choisi de ne plus naviguer loin de chez lui. Pour voir ses enfants grandir, les élever et les remettre dans le droit chemin si besoin. Il allait les voir ses fils, à commencer par Pierre dont l’arrivée repoussa la mise à l’eau du bateau. Julien ensuite un fou de montres, au point de préférer à sa majorité comme cadeau de ses parents, la Heuer que portait Steve McQueen au Mans au permis de conduire et à la voiture qui allait avec. Et enfin Clément le seul qui choisit la mer en devenant pêcheur-ligneur adepte de l‘ikijime, une technique japonaise de mise à mort du poisson. Un truc de beatnik selon son père. Tout Breton qu’il était le paternel n’était pourtant pas né au bord de l’eau. Il avait juste rêvé de s’embarquer pendant son service militaire. Mais le piston sollicité par son père gendarme n’avait pas fonctionné, et il s’était retrouvé à en lubrifier d’autres à Brest pendant son année d’armée. Il en avait gardé un amour de la mer qui l’avait poussé à devenir pêcheur, et aussi à s’installer à 45 minutes de voiture des flots pour déguster le plaisir de les retrouver chaque jour.

Ça allait se régler à coups de pompes dans le cul et de torgnoles dans le nez

Les enfants grandissent, Pierre part à Brest en classe préparatoire attiré par une fille qui ne lui cède rien. Surtout pas son ventre, même pas avec le dos de sa main seul argument qu’il avait imaginé pour la convaincre. Il arrivera à ses fins dix ans plus tard après l’avoir retrouvée devant l’Opéra de Paris. On l’aura compris l’homme est obstiné. Son père est un bon mec. Il embauche comme matelot Khalid un Sénégalais originaire de Saly la station balnéaire de Dakar, c’est du moins ce qu’il avait prétendu. Et quand Khalid se plaint que tout le monde l’appelle Mouss, en référence à Mouss Diouf le seul noir connu dans ce coin de la Bretagne, le père de Pierre fait le nécessaire. Ça allait se régler à coups de pompes dans le cul et de torgnoles dans le nez. Sa mère aussi est sympa. Elle avait été élue miss Deux-Alpes dans sa jeunesse quand elle été partie pour la première fois de chez elle. Elle recommença en travaillant dans un restaurant parisien. Une période où elle passait ses nuits à danser en boîte où elle rentrait gratis. Surtout ne va pas coucher ni te droguer lui avait intimé son père. Elle a toujours affirmé ne pas avoir touché à la drogue. Il n’y a pas de raison de ne pas la croire. Et puis elle est rentrée en Bretagne après à la mort accidentelle de son meilleur ami, pour céder aux avances de son futur mari qui lui avait offert un diabolo banane-kiwi. Mal lui en prit parce qu’il l’emmena dans le logement de fonction de ses parents, une gendarmerie où elle se réveilla seule parce qu’il était parti démissionner de son emploi. Il lui expliqua en la retrouvant qu’il voulait voir grandir les enfants qu’il n’allait pas tarder à lui faire. Tout s’annonçait donc bien mais il existait des éléments bien plus sombres dans cette histoire familiale.

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