Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Regardez-nous danser, Leïla Slimani, Éditions Gallimard

Fév 14, 2022 #Gallimard

Le pays des autres, épisode 2. Dans le premier volume de la trilogie familiale (ici) Amine et Mathilde se sont connus en Alsace pendant la guerre avant de s’installer dans leur ferme de Meknès. Amine a travaillé dur, défrichant et cultivant sa propriété. Mathilde a avalé des couleuvres pour s’adapter à ce pays qui n’est pas le sien. Dix années plus tard, ils ont réussi. Les agrumes se vendent bien, même à l’export, les amandiers fleurissent. Mathilde a donné de son corps pour élever ses enfants, Aïcha sa fille si brillante à l’école et Selim son fils à l’avenir incertain. Le couple est désormais invité au Rotary club, car après l’indépendance les Français ont tout intérêt à côtoyer des Arabes. Amine n’est plus le raton ni la crouille mais monsieur Belhaj. Amine est bouffi d’argent et d’orgueil. Il porte des costumes sur mesure, danse la valse et le tango, et couche avec la moitié de la ville. Pour Mathilde l’épouse délaissée, la réussite passe par une piscine que son mari lui refuse pour que sa femme ne se baigne pas à moitié nue devant les paysans. L’eau est de toute façon un bien rare. Mathilde tient bon et elle obtient gain de cause en 1968. Elle loue à Meknès des plateaux en argent, de la vaisselle de Limoges, des flûtes à champagne pour l’inauguration. Si Amine accepte c’est pour sa fille Aïcha qui étudie la médecine à Strasbourg. Pour qu’elle n’ait pas honte de revenir à la ferme. Le protectorat français déchu, lui a succédé un monarque aux pouvoirs illimités. Pour les paysans incultes et les habitants des bidonvilles rien n’a changé.

Un pays tiraillé entre les ambitions d’une jeunesse ouverte au monde et le féodalisme

Le pays des autres était consacré aux grands-parents de Leïla Slimani, Regardez-nous danser raconte la génération suivante. Aïcha qui incarne sa mère et Medhi dans le rôle de son père. À Strasbourg Aïcha ne comprend rien aux événements de mai 1968. Elle passe son temps à réviser. Elle n’a qu’un ami, David un Juif alsacien. Elle subit le racisme de sa logeuse qui l’appelle « l’Africaine » tout en sachant que son avenir ne s’écrira pas en Alsace. Sa place est au Maroc. Mais quelle place dans un pays tiraillé entre les ambitions d’une jeunesse ouverte au monde et le féodalisme ? L’arrivée des hippies à Essaouira qui amènent la drogue et l’amour libre ne saurait durer, même si Jimi Hendrix y fait un tour. Ces étrangers ne sont pour les paysans locaux qu’une source de revenus dans une ville qui peine à se remettre du départ de la communauté juive partie en Israël. À Rabat la capitale, les attentes des jeunes diplômés sont autres. Étudier, danser, boire, s’amuser, vivre en couple sans se marier. Au moins au début car rapidement viendra le temps de s’insérer dans la société et toutes les compromissions qui vont avec. Pour les femmes les vrais changements sont encore à venir. Le Maroc demeure un pays régi par les maris et les pères, qui ne leur accordent que des strapontins. Qu’elles soient diplômées comme Aïcha ou le moteur du foyer familial comme Mathilde. Et quand elles s’écartent des chemins qu’on leur a tracés, en s’émancipant ou pire en abandonnant leur enfant, elles peuvent toujours faire la pute. Sinon à quoi servirait le pouvoir des hommes ? À suivre dans le troisième volet …

Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/Le-pays-des-autres-T2-Regardez-nous-danser.html

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