Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Scarlett, François-Guillaume Lorrain, Éditions Flammarion

Mar 25, 2022 #Flammarion

C’est l’histoire d’un film qui est rentré dans l’Histoire. Une production cinématographique qui a remué les États-Unis parce qu’elle traitait d’un sujet éternellement brûlant dans ce pays : la guerre de Sécession. C’est une œuvre qui nous montre que la condition des Noirs n’avait pas beaucoup évolué près d’un siècle après la victoire des Nordistes sur les Sudistes. Non seulement en Géorgie et au sud du Mississippi, mais aussi dans le reste du pays. Pensez donc que les acteurs de couleur n’intervenaient dans les années trente que dans des rôles bien précis. Les femmes devaient être grosses et les hommes élancés. « Les peaux claires qui trahissaient le métissage, interdit par la loi, étaient d’emblée écartées ». Alors on ajoutait du cirage sur les visages et on épaississait les lèvres. Et quand Hattie McDaniel reçut son Oscar pour le rôle de Mammy elle n’avait pas eu le droit d’assister à la cérémonie. Scarlett c’est le Hollywood d’avant la seconde guerre mondiale, un moment où tous les coups étaient permis entre producteurs pour couler les concurrents. Ce sont des portraits d’acteurs qui ne mettent pas en valeur les monstres sacrés. Obsédés par leur image, toujours en quête d’argent, et qui étaient à la ville l’exact contraire de ce qu’ils prétendaient être à l’écran. C’est pourquoi l’histoire du passage d’Autant en emporte le vent à l’écran mérite qu’on la raconte, et François-Guillaume Lorrain le fait avec beaucoup de talent.

Elle avait suscité l’ire de ses concurrents producteurs de cinéma tout aussi juifs et originaires d’Europe orientale que lui

Il s’appelle Lewis J. Selznick et il est né en 1871 ou 1872, on ne sait pas bien. Quelque part entre la Pologne, la Lituanie et Kiev, on n’en sait pas davantage. Il prétend avoir écrit en 1917 à Nicolas Romanov, le tsar de Russie fraîchement débarqué, pour lui proposer un boulot dans ses films. Il aurait même ajouté qu’il ne lui en voulait pas pour les violences des policiers qu’il avait subies enfant en compagnie de ses coreligionnaires. Sa proposition fut vaine car il n’a jamais reçu de réponse. Elle avait suscité l’ire de ses concurrents producteurs de cinéma tout aussi juifs et originaires d’Europe orientale que lui. Lazar Meïr alias Louis B. Mayer, ancien ferrailleur biélorusse, ou encore Jack Warner de son vrai nom Jakob Wonskolaser qui avait été cordonnier polonais dans une autre vie. En vérité ce n’était pas Lewis J. qui avait rédigé l’offre d’emploi, mais son fils David âgé de quinze ans, celui qui allait rentrer dans l’histoire du grand écran. En cette année 1917 la petite Vivien a quatre ans, elle vit à Bangalore et elle est déjà très belle. Le 6 avril 1917 Hattie McDaniel célèbre le résultat d’un combat acharné : l’ouverture d’une salle de spectacle réservée aux Noirs à Denver. Elle chante et elle danse depuis 1911. Ils ne le savent pas encore mais ces personnages vont participer à ce qu’on appellera plus tard « Le plus grand film de tous les temps ».

Qui aurait imaginé transcrire à l’écran un roman de 1 000 pages ?

C’est un dénommé Latham qui parvient le premier à lire le roman d’une certaine Margaret Mitchell, une femme d’Atlanta qui n’avait encore jamais publié. Cela se passe en avril 1935. L’éditeur Macmillan l’achète pour une bouchée de pain tout en laissant les droits d’adaptation au cinéma à Margaret Mitchell. Qui aurait imaginé transcrire à l’écran un roman de 1 000 pages ? Le livre est tiré à 50 000 exemplaires alors que Margaret Mitchell n’a jamais pensé intéresser plus de 1 000 lecteurs. C’est sans doute pourquoi elle a finalement cédé les droits cinématographiques à Latham, qui a rarement constaté autant d’enthousiasme chez les personnes à qui il a confié Gone with the wind. Reste à trouver un studio prêt à financer le projet. C’est David Selznick qui s’y colle. Sa femme Irène l’a convaincu que l’histoire n’est pas une vieillerie mais un affrontement moderne entre les femmes et les hommes. L’investissement est important à cause de la concurrence des autres studios, à commencer par celle de Louis B. Mayer son beau-père. Après avoir travaillé chez lui Selznick a claqué la porte pour conquérir son indépendance en créant sa propre compagnie. Pour rentabiliser son film Selznick va devoir rapidement trouver ses acteurs.

Un jour il trouve une jeune femme dans son bureau, uniquement couverte d’un peignoir

Mayer veut lui imposer les siens en commençant par Clark Gable que tout le monde dit incontournable pour le rôle de Rhett Butler. Il faut aussi que les comédiens se supportent alors qu’il ne faut pas beaucoup les pousser pour qu’ils clament qu’ils ne joueront pas avec tel ou telle connard. Selznick cède finalement aux demandes de son beau-père qui lui refile Gable. L’acteur ne veut pas du rôle mais son divorce en cours va lui coûter cher. En novembre 1938 le tournage commence et Selznick n’a toujours pas trouvé sa Scarlett. Des castings ont pourtant été montés dans tout le pays provoquant de nombreuses émeutes. Selznick organise aussi les siens en poussant la conscience professionnelle jusqu’à sonder l’intimité de certaines postulantes, avec une petite préférence pour celles dont le sweater est tendu. En matière vestimentaire à chacun ses goûts. Un jour il trouve une jeune femme dans son bureau, uniquement couverte d’un peignoir, les bas et la robe bien pliés sur un fauteuil. Producteur c’est du boulot ! Outre les midinettes la plupart des stars d’Hollywood ont postulé, acceptant le plus souvent de faire un essai. Même Paulette Godard la compagne de Chaplin s’y est est collée. Mais le producteur est vigilant. Pas question d’engager une comédienne dont la réputation ne satisferait pas les canons de la morale. Sinon les emmerdes ne tarderaient pas à arriver. Il faut un sacré concours de circonstances pour que Vivien Leigh, une actrice anglaise, rafle la mise. Elle est choisie pour sa totale sensualité.

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