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Le blog de Laurent Bisault

Le versant féroce de la joie, Olivier Haralambon, Éditions Premier Parallèle

Mai 19, 2022 #Premier parallèle

Ce n’est pas un livre sur le cyclisme. Pas un bouquin sur le dopage. Pas davantage un opuscule alimenté par des souvenirs. Le versant féroce de la joie est le portrait d’un homme né pour être une star. Comme Frank Vandenbroucke était belge, et issu d’une famille où on vénérait le vélo, c’est ce sport qu’il choisit. Aurait-il appartenu à un autre milieu, peut-être aurait-il été adulé pour sa musique. Ce qui est sûr, c’est qu’il se brûla les ailes comme l’ont fait les membres du Club des 27, Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin ou encore Amy Winehouse. Tous anéantis à vingt-sept ans par la célébrité et les innombrables drogues qu’ils et elles avaient à portée de main. Persuadé de devenir à terme le meilleur cycliste du monde, Frank Vandenbroucke emprunta le même chemin en résistant un peu plus longtemps puisqu’on le retrouva mort à trente-cinq ans dans une chambre d’hôtel à Saly au Sénégal. Il eut toutefois assez de temps pour briller sportivement, être adulé, se détruire à grands coups de produits de toute sorte, et pour faire beaucoup de mal à son entourage. Il demeure aujourd’hui une légende du vélo belge malgré un palmarès sans commune mesure avec ses ambitions. Il est un parfait symbole de ce qu’on a laissé faire dans le cyclisme, un peu comme le fut l’italien Marco Pantani un autre champion qui mourut dans la solitude à Rimini. L’histoire de Frank Vandenbroucke est magnifiée par l’écriture d’Olivier Haralambon, écrivain et philosophe. « Un très grand livre » a écrit sur Twitter Grégory Nicolas, un sacré écrivain qui en connaît un rayon sur le vélo.

Pas de maillot de champion du monde dont il avait tant rêvé

Olivier Haralambon n’a rencontré Frank Vandenbroucke (VDB) qu’une dizaine de fois. Il lui a un peu parlé au téléphone. Ils ont par deux fois partagé un repas mémorable. Haralambon s’est beaucoup appuyé sur les dires de Nico Mattan, un coureur intime de VDB. Celui qui l’a protégé aussi bien pendant les courses en l’abritant du vent, qu’après quand il s’agissait de le sauver du désastre. Le versant féroce de la joie est « une biographie rêvée » qui rend compte de l’obsession de son auteur pour le cyclisme. Ancien coureur, Olivier Haralambon nous propose un livre sur un homme qui a traversé l’histoire du cyclisme mondial entre fulgurances et désastres. Même devant la mort, VDB tenait à préserver sa magnificence comme lorsqu’il ouvrit un magnum de Petrus 1961 avant de tenter de se suicider. VDB s’aimait tellement qu’il était capable de parler de lui à la troisième personne. Mais en fin de compte son palmarès apparaît aujourd’hui bien maigre. Une victoire sur Liège-Bastogne-Liège, une sur Paris-Nice et pas grand-chose d’autre de grand. Pas de maillot de champion du monde dont il avait tant rêvé. Son histoire est aussi celle de sa famille avec un père qui le précéda dans le vélo. Jean-Jacques Vandenbroucke arrêta rapidement les courses pour subvenir aux besoins de ses frères, une fois leur père décédé. Jean-Jacques devint donc mécanicien dans des équipes professionnelles. C’est un de ses frangins, Jean-Luc, qui reprit le flambeau et devint champion. C’est ce tonton qui inocula le virus au petit Frank. Sa carrière commença à quatre ans quand il fut renversé par un pilote de rallye qui lui fracassa un genou. Les séquelles de l’accident devaient se rappeler à lui jusqu’à sa mort. À quinze ans il eut le droit de suivre les coureurs professionnels pendant leurs entraînements. Le don était déjà là, Frank étant capable d’arriver au sommet du Ventoux avec ses aînés. Certes son mécanicien de père lui ramenait le meilleur matériel, celui des équipes qui l’employaient, mais Frank n’en avait pas besoin pour lever les bras sur les lignes d’arrivée.

Il tournait désormais au mélange Stilnox-alcool dont l’effet était dévastateur

Premier contrat à vingt ans dans l’équipe Lotto que dirigeait son oncle. Pas assez grande pour ce qu’il voulait devenir. Surtout que l’équipe Italienne Mapei, qui payait mieux et travaillait avec la crème des médecins sportifs, pointait son nez. Chez Mapei il échangea les corticoïdes contre l’EPO, et gagna. Mais l’avantage apporté par la nouvelle potion fut de courte durée, le temps qu’elle se répande dans le peloton. À vingt-cinq ans il avait beaucoup d’argent, assez pour faire construire une magnifique maison, et vivre avec Clotilde une très belle jeune femme. À vingt-cinq ans lassé de ne pas être le seul leader chez Mapei il partit chez Cofidis. Il tournait désormais au mélange Stilnox-alcool dont l’effet était dévastateur. Sans parler des amphètes, mais les amphètes c’était la drogue du pauvre pour les cyclistes. Ça ne comptait pas. Sauf qu’à force, avec en plus de la cocaïne, VDB ne dormait plus et consommait de plus en plus de Stilnox. En avril 1999 il annonça à quel endroit il allait lâcher ses concurrents sur Liège-Bastogne-Liège, une des plus belles courses du calendrier. L’enfant-roi tint parole remportant ce qui sera sa plus belle victoire. Car ensuite tout s’arrêta. VDB semblait ne plus avoir envie. En mai il fut ramassé par les stups en compagnie de Philippe Gaumont. C’est le coureur français qu’on venait chercher, mais ils emmenèrent aussi le Belge, parce que « Mabuse » un des principaux pourvoyeurs de dope du peloton français venait de tomber. La suite ne fut qu’une longue série d’échecs qui de ruptures conjugales, d’échecs sportifs en séjours en hôpital psychiatrique, l’amenèrent au bout du bout.

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