Bruna purge depuis onze ans une peine de prison pour meurtre aggravé. Dans un mois et cinq jours elle bénéficiera d’une libération conditionnelle. Elle avait vingt-six ans quand elle est entrée dans le complexe pénitentiaire de Požega en Croatie. Bruna a été mariée, elle ne l’est plus et croit profondément qu’elle ne le sera plus jamais. Son séjour en prison a abîmé son corps, c’est dommage mais c’est ainsi. Ça ne serait pas arrivé si Suzana ne l’avait pas emmenée à l’anniversaire de Zorana en ce mois de janvier 2006. C’est dans un immeuble de Split qu’elle le vit la première fois, un verre de vodka orange à la main. Il s’appelait Frane, au bout de la soirée ils échangèrent leur 06 et convinrent de se revoir. Trois mois plus tard les familles se rencontrèrent au restaurant. En prison Bruna s’est souvent demandé si elle avait eu un pressentiment, si elle s’était doutée de ce qui allait se passer avec Anka Šarić la mère de Frane. La réalité est qu’elle n’avait rien vu venir. Tout devait se passer normalement. Leur appartement les attendait à l’étage de la maison d’Anka, Bruna y passerait du temps à attendre Frane qui était marin. Le matin qui suivit le mariage le couple descendit prendre le petit-déjeuner. Bruna se trouvait en face de sa belle-mère. Elle comprit qu’elle n’était pas chez elle, que ce serait difficile. Et ce le fut.
La femme du second étage nous fait découvrir la Croatie
Quel plaisir que de retrouver l’écrivain et scénariste croate Jurica Pavičić dont L’eau rouge avait été une excellente découverte. Ce roman qui fut le premier à être traduit en français était un polar classique sur fond de désagrégation de la Yougoslavie. La femme du second étage, publié dans son pays avant L’eau rouge, est plus difficilement classable. Roman noir, roman psychologique, il permettrait presque de qualifier Pavičić de « Simenon » dalmate. C’est une immense réussite, un livre qui ne s’oublie pas facilement. Le récit suit Bruna sur trois époques : la rencontre de son futur mari qui va l’amener à tuer sa belle-mère, les années de prison, et sa vie après l’enfermement. Rien de glauque ni d’effrayant dans ce roman qui avance lentement pour mieux décortiquer la psychologie de Bruna. On comprend l’emprise que tisse sa belle-mère qui la dénigre au quotidien. Bruna gardera pourtant des secrets au bout des deux cents pages qui se lisent d’une traite. Car elle parle peu, aussi bien au sein de son couple qu’en prison où elle travaille à la cuisine pour éviter de côtoyer les autres détenues. Comme L’eau rouge, La femme du second étage nous fait découvrir la Croatie. Pas uniquement la côte envahie par les touristes l’été, plutôt la société qui traîne encore les stigmates de sa période socialiste. En Croatie le racisme ambiant frappe moins les migrants que les Roms, à l’image de cette Tsigane qui cuisine en prison aux côtés de Bruna. Mejra a pris dix-sept ans pour avoir suriné son beau-père alors qu’il la violait depuis dix ans. Si vous aimez la Croatie maritime, alors lisez le roman jusqu’au bout. Vous y découvrirez une merveille d’îlot où on cuisine le poulpe à vous en faire rêver. Autre intérêt, vous sortirez de votre lecture convaincus que Jurica Pavičić est un grand écrivain.
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