Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

La malédiction de la Madone, Philippe Vilain, Éditions Robert Laffont

Oct 16, 2022 #Robert Laffont

Formidable réussite que cette vie d’une jeune Napolitaine qui tombe amoureuse d’un chef camorriste dans les années cinquante. Le roman est inspiré de faits réels que Philippe Vilain fait vivre de manière passionnante. Ça se lit comme les meilleures histoires siciliennes, Les lions de Sicile et Le triomphe des lions de Stefania Auci ou La rhapsodie italienne de Jean-Pierre Cabanes. Ça grouille, ça s’agite, ça déborde de sentiments et de balles perdues. Bienvenue à Naples. L’histoire est celle d’une jeune femme pauvre, une grande amoureuse qui revendique le droit de choisir l’homme avec qui elle vivra, dans un contexte où les pères et les frères ont tous les droits. Au point de menacer de mort celui qui fait livrer des fleurs chez leur fille ou leur sœur. Mais en dehors du cercle familial, ils obéissent pour survivre et s’en sortir. Devant l’État et l’Église ? Pas vraiment même si les chantiers des édifices religieux sont quasiment les seuls à arriver à leur terme. Ceux qui dirigent la cité sont les mafieux de la Camorra. Petits ou grands, ils dictent leur loi, rançonnent les commerçants, organisent le marché noir, achètent policiers et magistrats, envoient des miettes aux pauvres qui en ont bien besoin. Leur statut est précaire car la concurrence est rude pour la conquête et la garde d’un territoire. Alors on défouraille pour tuer amis et ennemis, ou de simples habitants histoire de montrer que l’on ne craint rien ni personne. Autant d’événements qui font la fortune des armuriers, des conseillers funéraires et des fleuristes. L’autre personnage du roman est Naples, une ville rude, aux rues étroites et sales, débordant d’hommes et de femmes ainsi que d’odeurs. On y cuit l’été harassé par le siroco qui écrase tout et rend l’atmosphère irresponsable. On y parle un peu l’italien, et surtout le dialecte que l’on réserve pour les grands sentiments. Depuis des siècles la ville a vu déferler les envahisseurs et ses habitants se sont toujours adaptés. Ce n’est pas cet après-guerre qui va changer la donne. « Naples est une mamma étouffante qui enlace et ne laisse plus partir, qui protège et tue, expie et châtie, mais n’abandonne jamais les siens. ».

Elle commençait à cinq heures du matin, quatre heures avant ses frères

Pupetta, c’est ainsi qu’on la surnommait pour les traits délicats de son visage. Elle était la fille d’un dangereux contrebandier, la nièce de l’assassin d’un prêtre et la cousine de nombreux délinquants. Son père était autoritaire mais elle l’aimait quand même, comme tous les Napolitains la fille Maresca était fière de son nom. Un jour elle avait dit à une enseignante que son père était « camorriste » alors que l’usage était plutôt de s’en abstenir. À dix-huit ans Pupetta quitta l’école, elle migra vers la pâtisserie familiale qui ne marchait guère. Son père y faisait le minimum et il y avait tous les frais annexes, toutes les commissions occultes à payer. Elle commençait à cinq heures du matin, quatre heures avant ses frères, c’était injuste mais c’était ainsi. Cela ne la dispensait pas de ne pas sortir sans eux. À Naples les réputations allaient vite, et l’avenir d’une fille correcte était tout tracé : se marier. Pourtant ce qu’aimait Pupetta c’était se promener avec sa cousine Anna, discuter de la dernière tenue de Sofia Loren une Napolitaine et des starlettes blondasses de Cinecittà, mais surtout parler des garçons et de l’amour. N’en déplaise à son père et à ses frères, ils ne choisiraient pas son mari. Et qu’ils ne lui disent pas de s’habiller correctement alors qu’ils paradaient dans leur costume de maquereau. En 1954 Pupetta est élue Miss Rovigliano une station balnéaire de Naples grâce aux recommandations appuyées de Pasquale Simonetti dit le colosse, un camorriste qui aspirait à devenir le parrain de son quartier. S’il savait se montrer violent, il faisait partie des hommes d’honneur, et n’aurait jamais pu tuer quelqu’un au hasard. Et encore moins un membre de sa famille. Ils tombèrent amoureux, se marièrent et Pasquale fut assassiné.

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