Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Le triomphe des lions, Stefania Auci, Éditions Albin Michel

Mai 6, 2022 #Albin Michel

La saga des lions épisode deux. Le premier, Les lions de Sicile, avait été une formidable découverte. Ce nouvel opus qui nous emmène de 1868 à 1893 ne déçoit pas. La saga est une version romancée de la vie d’une véritable famille sicilienne, pauvre parmi les pauvres Calabrais à la fin du XVIIIe siècle, et qui trois générations plus tard devint la plus riche d’Italie. Le premier tome avait décrit l’émergence des Florio dans le commerce des plantes médicinales puis dans l’agriculture, l’industrie et le transport maritime. Il racontait la prise de pouvoir de la bourgeoisie sicilienne aux dépens de la noblesse. Les lions de Sicile est en quelque sorte Le guépard de Lampedusa côté roture. Le triomphe des lions est l’aboutissement de cette transformation sociale. Non seulement la richesse a changé de camp, mais en plus la noblesse sicilienne ruinée est contrainte de s’allier par le mariage aux nouveaux maîtres de l’île. Cela passe par des contrats qui garantissent la fortune des Florio. Car comme le dit Ignazio à sa fille le jour de ses noces, l’argent c’est le pouvoir. Économique et politique, puisque est venu le temps pour le chef de famille de siéger au Sénat à Rome. C’est dans la capitale italienne que se doit d’agir Ignazio Florio pour garantir ses richesses. C’est là qu’il lutte pour arracher aux représentants de l’Italie du nord les subventions de l’État. C’est ainsi qu’il peut construire ses palais et faire tourner ses usines en concédant des miettes aux ouvriers et à leur famille. Tout ce petit peuple qui l’appelle Don Florio. Mais attention, aucune richesse n’est éternelle. Ce que deux générations ont construit, la troisième saura-t-elle la préserver ?

Il veut développer les bateaux à vapeur pour exporter son vin et répondre aux besoins des Siciliens

Vincenzo Florio vient de mourir. La nouvelle se répand immédiatement dans Palerme. Nous sommes en 1868, son fils Ignazio lui a déjà succédé. Il a épousé Giovanna d’Ondes Trigona, une aristocrate qui atteste de sa réussite. Le royaume d’Italie a sept ans. Victor-Emmanuel II en est le souverain. Le suffrage dans l’Italie nouvelle n’est en rien universel. Quatre cent mille personnes sur vingt-deux millions d’habitants ont voté lors des premières élections gagnées par la Droite historique des propriétaires terriens et des industriels. La première décision du nouveau maître de la famille est de miser sur le marsala et le transport maritime. Il veut développer les bateaux à vapeur pour exporter son vin et répondre aux besoins des Siciliens. Les Florio ont également une banque. Ignazio tourne la page du commerce des plantes médicinales qui ne sont pour lui qu’un vestige du passé. Au contraire de sa femme, Ignazio est attaché au quartier de Castellammare le cœur Palerme où il a grandi. Un endroit que Donna Giovanna ne supporte pas, qu’elle trouve indigne de son sang bleu. Elle obtient gain de cause quand ils emménagent dans la villa de l’Olivuzza sur les hauteurs de Palerme.

Largués par les nouveaux maîtres de l’économie, les aristocrates déchus demandent plus

Mais là où Ignazio se sent le mieux c’est dans l’île de Favignana qu’il a achetée. Elle est située au large de Trapani et de Marsala, à l’ouest de la Sicile. Dans son capital Ignazio possède la fonderie Oretea et ses 700 ouvriers. Elle n’est pas concurrentielle face aux usines du Nord à cause des coûts d’approvisionnement. Alors Ignazio se rattrape sur les salaires que pourtant beaucoup envient dans la paysannerie. Les ouvriers doivent amener leurs outils et travailler, y compris les enfants, dans d’effroyables conditions. Pour être adoubé par la haute société palermitaine Ignazio avait misé sur son mariage avec une noble. Mais cela n’a pas suffi. Largués par les nouveaux maîtres de l’économie, les aristocrates déchus demandent plus. Alors les Florio organisent des soirées pour afficher leurs richesses. Ils investissent dans l’art et la culture. Le petit-fils d’un homme de peine calabrais est désormais incontournable. Pour se maintenir ses bateaux sillonnent toute la Méditerranée, et traversent l’Atlantique peuplés de miséreux qui rêvent de l’Amérique. À suivre avec le troisième et dernier tome …

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *