C’est une autobiographie écrite au fil de la robe. Clarisse Serre nous raconte son métier d’avocate pénaliste dans un livre sorti par Sonatine, l’excellent éditeur spécialisé dans les thrillers et les romans noirs. Et le noir elle le connaît depuis qu’elle fréquente voyous et criminels. Ce métier elle l’a exercé dix-huit ans à Paris, une ville qui claque, qui rassure le client, mais qui entraîne des frais importants pour un local qu’on n’utilise guère car un pénaliste passe son temps sur les routes et dans les trains. Alors Clarisse Serre a obliqué vers la banlieue, elle s’est installée à Bobigny au nord du périphérique. Cela fait dix années qu’elle y travaille avec dès le début tous ses clients de droit commun qui l’ont suivie. Mais pas les autres, faire venir un chef d’entreprise dans le 9-3 ça ne matche pas tout de suite. Surtout pour se faire défendre par une femme. Avocate pénaliste ça fait rêver certains jeunes confrères. Ils ont raison car exercer ce métier c’est pour elle être le dernier à défendre l’humain chez ceux qui ont parfois commis le pire. Mais il y a les contreparties, côtoyer les crimes, assister aux autopsies. Nul besoin de lire des polars, le quotidien amène son lot d’horreurs. Pourtant les avocats ne sont pas formés à vivre dans cet univers. Ils sont parfois menacés, frappés, contraints de se taire. Pour l’éviter Clarisse Serre s’est imposé des règles : le respect absolu de la loi et du code pénal. Pas question de violer le secret professionnel en divulguant ses dossiers à la famille ou aux proches de ses clients. Elle s’y tient même si le secret de l’instruction est régulièrement violé. Même si la plupart des détenus disposent en prison d’un portable qui leur permet de communiquer autant qu’ils le souhaitent. Impossible pour elle d’être séduite par la figure du voyou. Ses confrères ou consœurs qui y succombent se sont trompés de métier. Alors pas de sortie en boîte de nuit avec ses clients, encore moins de cadeaux.
Elle délègue les visites en prison car elle ne supporte plus d’y aller
Ces pratiques ont d’ailleurs tendance à disparaître avec la transformation des accusés. Les criminels respectent de moins en moins leurs avocats. Les nouveaux vivent dans l’immédiateté, dans le culte de l’argent. Ils payent et veulent des résultats. Pourtant Clarisse Serre continue à ne promettre qu’une chose : travailler autant qu’elle le peut. Elle et ses associés. En période de procès cela signifie penser assises, manger assises, dormir assises. La défense d’un client se pratique toujours à plusieurs. Travailler en équipe amène des regards différents, davantage d’efficacité. Clarisse Serre y voit un autre avantage, elle délègue les visites en prison car elle ne supporte plus d’y aller. Il est bon de rappeler combien ces lieux d’incarcération sont vieux voire très vieux, sales, surpeuplés. Comment les personnes incarcérées s’y transforment au point pour certains de parler au ralenti après de longs passages à l’isolement. Clarisse Serre s’interroge également sur la pratique de la justice qui tend à généraliser la prison préventive. Elle conteste certains jugements comme celui qui a envoyé pendant trente années en prison un jeune homme de dix-huit ans qui avait assassiné sa compagne âgée de dix-sept. Non pas pour minimiser le meurtre, mais parce que après trente années il n’est plus possible d’envisager une réinsertion pour une personne qui risquait peu de récidiver. Clarisse Serre décrit longuement les rapports entre juges et avocats qui se seraient détériorés depuis l’affaire d’Outreau. Elle critique la nomination des juges dès la sortie de l’École de la magistrature, alors qu’il faut en Angleterre dix ans de métier d’avocat pour accéder à cette fonction. Pour y remédier Claude Serre fait partie de ces avocats qui accueillent dans son cabinet de jeunes magistrats qui peuvent ainsi observer l’autre côté du processus judiciaire. On n’est pas obligé de la suivre quand elle défend la prescription mais ce livre est magnifique, de la description du métier d’avocat aux portraits des gens qui lui sont chers comme Henri Leclerc.
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