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Le blog de Laurent Bisault

Indignez-vous !, Stéphane Hessel, Éditions Indigène

Mar 22, 2023 #Indigène

C’est un vieux monsieur qui est apparu devant nous en 2010. Pour moi c’était dans une émission de Serge Moati diffusée le dimanche sur France 5. Il était très droit, bien habillé, cravaté, il appelait à la révolte. Son parcours, ses titres universitaires, ses emplois détonaient avec son message tout en lui donnant davantage de force. Son courage, ses faits d’armes, sa biographie, qui faisaient de lui un personnage de roman, souvent noir, nous forçaient à l’écouter. Stéphane Hessel est né allemand en 1917 dans une famille aisée. Son père traducteur vient d’une famille juive polonaise convertie au protestantisme. Sa mère fille de banquier sera l’héroïne de Jules et Jim, le roman de Henri-Pierre Roché porté à l’écran par François Truffaut. Stéphane Hessel arrive à Paris en 1927 où il fait de brillantes études, avec deux réussites au concours d’entrée à L’École normale supérieure pour des raisons administratives. Il est fait prisonnier au début de la guerre, s’évade, et rejoint Londres. De retour en France en 1944, il est arrêté, torturé, envoyé à Buchenwald d’où il s’évade une nouvelle fois. Après la guerre il sera diplomate dans de nombreuses organisations internationales. Ce n’est pas l’âge qui atténuera sa capacité de révolte, ni n’affadira son discours qui reste plus que jamais d’actualité.

On remettrait en cause les retraites et les acquis de la Sécurité sociale

À 93 ans il en a fait du chemin. Il sait que la fin n’est pas loin et il se souvient des deux piliers qui ont fondé son engagement politique. La résistance avec son arrivée à Londres en mars 1941 pour rejoindre de Gaulle. Puis le programme du Conseil national de la résistance (CNR) trois années après. En 2010 Stéphane Hessel s’en réclame toujours. Il ne veut pas d’une France des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, d’une société où on remettrait en cause les retraites et les acquis de la Sécurité sociale. Il ne veut pas davantage des médias qui seraient aux mains des nantis. C’est qu’il était ambitieux le programme du CNR avec les nationalisations des entreprises énergétiques, des compagnies d’assurance et des grandes banques. Et puis l’instauration d’une démocratie économique et sociale via la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général. Et encore la garantie de la liberté de la presse et la possibilité pour tous les enfants de bénéficier de l’instruction la plus développée. Soit autant de conquêtes sociales que Hessel jugent désormais remises en cause. Certes on lui dit qu’il n’y a plus d’argent dans un pays infiniment plus riche qu’à la sortie de la guerre. Un pays où l’échelle des revenus a explosé.

Indigné Stéphane Hessel l’est toujours à 93 ans

Pour y répondre Hessel en appelle à renouer avec le motif de base de la Résistance : l’indignation. Il faut que les jeunes générations prennent le relais et s’indignent à leur tour. À chacun de trouver son motif comme Stéphane Hessel l’avait fait avec le nazisme. Il raconte que jeune étudiant en philosophie rue d’Ulm il avait été marqué par les messages libertaires de Sartre qui insistait sur la responsabilité des individus. C’était donc facile pour lui. Plus que pour les jeunes hommes et les jeunes femmes de sa fin de vie, qui ont du mal à identifier les responsables des dysfonctionnements d’une société devenue mondialisée. Mais peu importe, il ne faut selon lui rien céder à l’indifférence, car ce serait renoncer à quelque chose d’essentiel de ce qui fait l’humain. Indigné Stéphane Hessel l’est toujours à 93 ans. Sur les écarts de revenus. Sur les droits de l’homme dont il a contribué à rédiger la Déclaration universelle adoptée par l’Organisation des nations unies en 1948. Sur la Palestine où en 2009 trois millions de personnes chassées par Israël étaient entassées dans des camps. Indigné mais non-violent. C’est ainsi que se définit Stéphane Hessel. C’est pourquoi il réclame une insurrection pacifique contre les moyens de communication qui ne proposent comme horizon que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, et la compétition à outrance du tous contre tous.

L’hommage de HK et des Saltimbanks

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