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Le blog de Laurent Bisault

Au nom du maintien de l’ordre, Paul Moreira, Arte

Juin 1, 2023 #Arte

C’est bien plus qu’un documentaire extrêmement bien fait sur l’évolution des techniques de maintien de l’ordre. Plus qu’une analyse des nouvelles armes utilisées par les forces de l’ordre. Comme les lanceurs de balles de défense (LBD) qui vous éborgnent un manifestant en moins de temps qu’il ne vous faut pour le dire. Ou les grenades de désencerclement qui s’apparentent à des armes de guerre. Au nom du maintien de l’ordre est avant tout une réflexion sur le recul de nos libertés. C’est Nicolas Sarkozy qui le dit le mieux quand il affirme goguenard en 2008 que « Désormais quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit ». Et pour cause cela fait des dizaines d’années que l’on nous explique qu’avec la mondialisation il n’est plus possible de vivre comme avant. Que ceux qui osent encore protester parce qu’ils bénéficient d’un statut relativement protecteur, feraient mieux de retourner au boulot. Et que les autres, les salariés du privé, n’ont qu’à bien se tenir s’ils ne veulent pas perdre leur emploi. Les premiers à s’en être aperçus sont ces ouvriers sidérurgiques qui ont hurlé pour conserver leurs usines. Rappelez-vous, cela a commencé chez nous en mars 1979 avec la manifestation organisée à Paris par la CGT en solidarité avec les ouvriers lorrains. Les CRS étaient là pour accueillir comme il faut ceux qui ne demandaient qu’à travailler. Dès lors avec la fermeture des usines et des bastions syndicaux, les responsables du maintien de l’ordre auront beau jeu de déplorer le bon temps où la CGT savait contrôler ses manifestations. Où les autonomes et autres black blocs n’interféraient pas dans les défilés.

Et une liberté publique qui s’érode

Car cette époque est révolue faute de bras dans les rangs syndicaux, d’usines pour les employer, de grosses structures et de modes de management qui permettaient aux forces syndicales de se développer. Aujourd’hui les emplois ouvriers sont majoritairement dans le tertiaire, et la sociologie chez Amazon n’est pas celle qui existait à Hagondange ou à Billancourt. Les autorités qui se plaignaient des « nouveaux manifestants » se sont adaptées, notamment en utilisant les techniques des nasses qui envoient les policiers au plus près des défilés. Officiellement pour protéger ceux qui manifestent des violences extérieures. De fait comme le montre le documentaire pour que les forces de l’ordre puissent s’insérer comme elles le souhaitent dans les cortèges, se saisir de qui elles veulent sans aucun motif juridique, et qu’elles puissent cogner et gazer comme bon leur semble. Si on ajoute le déni des violences policières savamment entretenu par le pouvoir, alors on fait en sorte qu’on ne puisse plus manifester sereinement. Et une liberté publique qui s’érode, une de plus. Ancien sous-préfet devenu gilet jaune, Laurent Bigot détaille le mode opératoire des policiers dans Au nom du maintien de l’ordre. Pourtant il les a aimés les flics quand il les commandait. Il sait qu’un policier exécute les ordres reçus, alors quand on leur demande de nettoyer une place ils le font. Laurent Bigot sait aussi combien le degré d’exigence a baissé dans le recrutement des flics, ce qui a conduit à embaucher ceux qu’il qualifie de « teubés ». Assurément pas une bonne chose.

La répression policière est mondiale

La montée de la violence dans le maintien de l’ordre n’est pas spécifique à la France. Le documentaire la présente comme un phénomène mondial qui aurait débuté en 1999 à Seattle lors d’une réunion de l’Organisation mondiale du commerce. On pourrait aussi parler de ce qui s’est passé à Gênes en 2008 lors d’un G8 qui provoqua la mort d’une personne et de graves blessures chez six cents manifestants. Amnesty International a dit que ces trois journées avaient constitué « la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la fin de la seconde guerre mondiale ». La répression policière est mondiale, elle va de pair avec l’enrichissement d’un petit nombre de personnes. Si on y ajoute en France le recul d’autres droits, celui de décider de notre avenir dans un référendum comme en 2005. Ou la possibilité pour le parlement de voter les lois, cela commence à faire beaucoup.

Regarder le documentaire sur le site d’Arte
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023814/au-nom-du-maintien-de-l-ordre/

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2 thoughts on “Au nom du maintien de l’ordre, Paul Moreira, Arte”
  1. Chapeau Paul Moreira ! Non seulement c’est un excellent reporter mais en plus il à l’élégance de te répondre

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