Elle est moche la colonisation française de l’Algérie. Moche pour ceux qui bien après auront le droit de s’appeler Algériens. Moche pour tous les pauvres bougres que les lubies de la grandeur nationale ont envoyé de l’autre côté de la Méditerranée. Elle n’a pas non plus été une partie de plaisir pour les soldats qui à force de meurtres, de viols et d’horreurs ont conquis les terres. C’est ce que nous raconte Mathieu Belezi dans Attaquer la terre et le soleil qui vient de recevoir le prix du Livre Inter 2023. Un roman à deux voix, celles d’une femme colon et d’un soldat. Une femme partie en Algérie pour bénéficier d’une concession sans pouvoir imaginer qu’il était impossible d’en vivre. Et un soldat réduit à l’état de bête sanguinaire, béat d’admiration devant celui qui lui donne l’ordre de tuer. Pour Séraphine tout a commencé dans la douleur dès le voyage. Des jours et des jours à descendre la Seine et le Rhône sur des bateaux à fond plat tirés par des chevaux. Des jours d’attente à Marseille au milieu de cinq cents personnes, puis la traversée en vomissant tripes et boyaux. C’est en famille que Séraphine est partie avec Henri son mari, leurs trois enfants, sa sœur Rosette et Louis son époux. C’est avec eux et une autre famille qu’elle attend trois mois que les pluies de l’hiver algérien cessent, croupissant dans une tente envahie par la puanteur. Et le printemps venu c’est encore ensemble qu’ils migrent dans un assemblage de planches qui tient lieu de maison.
On en voit passer des horreurs dans ce livre de 160 pages
« Vous n’êtes pas des anges » ne cessait de brailler le capitaine Landron à ses soldats. Alors il l’a écouté massacrant hommes, femmes, enfants, violant autant qu’il le pouvait, faisant fi de sa peur quand il traversait villes et villages. En méprisant les yatagans et les rugissements des lions du désert. On en voit passer des horreurs dans ce livre de 160 pages. Le choléra qui déboule derrière les barricades avec le médecin militaire et qui fauche une partie de la colonie. Le capitaine qui se constitue son harem de moukères après avoir conquis un village au nom des ors d’une culture millénaire amenée à des cervelles incultes. Des populations conquises qui ne manquent pas une occasion pour rendre la pareille à leurs bourreaux. Tout ça pour se demander si un jour on vivra un jour en paix. Alors que tout le monde connaît la réponse à cette question.
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