« Dès leur entrée à l’école, les francophones entretiennent un rapport ambigu à leur propre langue, entre amour et crainte, créativité et contrainte. Bien que des règles soient nécessaires pour se comprendre les uns les autres, elles ont en français un poids particulier : celui de la peur de la faute. ». C’est ce que nous rappellent opportunément Les linguistes atterrés, ce collectif de linguistes surdiplômés qui refusent les visions traditionnelles de notre langue. On pourrait d’ailleurs remplacer « traditionnelles» par « réactionnaires », tant l’Académie française qui le plus souvent refuse d’entériner les évolutions du français, est remplie d’hommes et de femmes de droite. Surtout d’hommes, parfois même d’hommes d’Église pour ne rien arranger. Il ne faut donc pas s’étonner que cette congrégation de gâteux soit infoutue de remplir son dictionnaire dont la dernière version a pourtant débuté en 1986 et qui est toujours en cours. Politiquement les linguistes atterrés sont plutôt de gauche. Rien que par le terme « atterrés » qui évoquent les économistes atterrés, ce groupe d’économistes qui proposent une vision hétérodoxes de leur discipline sans pour autant être affiliés à un parti. Nos dix-huit linguistes revendiquent-ils pour autant un français de gauche ? Assurément pas. Ils commencent par expliquer que le français n’est pas une langue morte, mais une langue qui évolue, qui s’enrichit d’apports d’autres parlers par allers-retours. Et qu’il n’y a aucune impossibilité à envisager des simplifications orthographiques à l’instar de ce qui a été fait par exemple en Espagne. Ce faisant ils s’inscrivent dans la lignée de l’immense Alain Rey, un des créateurs des dictionnaires Le Robert, qui se plaisait à dire qu’il fallait se féliciter des apports de toute origine dont bénéficie le français. Qu’ils viennent du portugais, de l’arabe ou d’une autre langue. Alain Rey a même inséré du verlan dans ses dicos. Car qu’on se le dise ce ne sont pas les académiciens ni même les linguistes qui inventent les langues. Ce sont vous, moi, ceux qui les utilisent, écrivains ou pas. C’est pourquoi Le Petit Robert a choisi de dire « le covid » et non pas « la covid» comme l’a fait l’Académie française. Parce que dans ce cas comme dans beaucoup d’autres, l’usage a tranché.
Le français n’est pas envahi par l’anglais
Parmi les déconstructions évoquées dans Le français va très bien, merci il y a le mythe de « la langue de Molière ». Non nous ne parlons plus la langue de Jean-Baptiste Poquelin. Depuis 350 ans, des mots ont changé de sens, d’autres sont apparus, la grammaire a évolué comme la graphie. Le français n’appartient pas non plus à la France. Au Québec, en Suisse, en Belgique existent des variantes revendiquées dans ces États. C’est plus rare dans les pays du Sud où les colons ont combattu ce qu’ils appelaient « le français petit nègre ». Non le français n’est pas envahi par l’anglais. Certes les deux langues s’échangent des mots mais pour la bonne cause. Spoiler vient de l’anglais spoil lui-même issu du français du XIVe siècle et plus lointainement du latin. Si le terme vous gêne, rien ne vous interdit d’utiliser divulgâcher qui vient du Canada.
À quoi ressemblerait ce blog sans les correcteurs orthographiques ?
Non l’orthographe n’est pas la langue. Elle est d’ailleurs récente. Avant le XVIIe siècle elle variait d’un imprimeur à l’autre. C’est l’école de la Troisième République qui en a répandu la pratique. Mais l’orthographe est tellement complexe qu’il est pratiquement impossible d’écrire sans aucune faute. L’orthographe manque souvent de logique, tel « nénufar » transformé en « nénuphar » alors que le terme est arabe issu du perse et non grec. Les pluriels en x comme bateaux, neveux et hiboux proviennent d’une erreur de recopie. S’y ajoutent pour certaines personnes des difficultés qui leur sont propres car nous ne sommes pas égaux devant l’orthographe. À quoi ressemblerait ce blog sans les correcteurs orthographiques, puisque je mémorise aussi mal l’orthographe que les visages ? Faut-il alors multiplier les dictées pour faire progresser les élèves ? Les linguistes en doutent en critiquant la notation traditionnelle qui enlève des points à chaque faute et lui préfèrent le comptage des formes correctes. Ce qui reviendrait à noter une dictée comme un exercice de maths. Pour avoir zéro, il faudrait ne rien savoir écrire. Un de mes profs collait des notes négatives à un élève d’origine iranienne, pour disait-il lui laisser la possibilité de progresser. Cet enseignant sadique n’avait rien compris. Le dénommé Ghannad allait devenir médecin, un profession où l’orthographe est inutile puisque personne n’a jamais pu déchiffrer une ordonnance. Les élèves canadiens apprennent en première année d’université à se servir du logiciel Antidote. En quoi serait-ce critiquable puisqu’ils y auront accès pendant toute leur vie professionnelle ? Pour avoir bénéficié pendant des années de Prolexis, un équivalent français d’Antidote, je ne peux qu’approuver. Parce que quand vous publiez il y a toujours un emmerdeur qui vous fait remarquer les fautes que vous avez laissées …
Pas touche à Charline, compris Adèle Van Adèle Van Reeth ?
Non l’écriture numérique n’@bime pas le français. Il s’agit juste de faire comprendre à ceux qui la pratiquent qu’il existe des situations où le français normé s’impose. Non le français parlé n’est pas déficient et l’oral n’est pas une sous-version de l’écrit. C’est souvent un passage obligé pour ceux, nombreux, que l’écrit paralyse. J’ai souvent constaté que des étudiants incapables d’écrire un texte compréhensible, exposaient clairement leur pensée à l’oral. Non le français n’est pas massacré par les jeunes, les provinciaux, les pauvres ou les Belges. Surtout les Belges dont les septante et nonante me ravissent, et plus encore le « ouit » popularisé sur France Inter par Charline Vanhoenacker. Pas touche à Charline, compris Adèle Van Reeth ? Non le français n’est pas en péril face à l’extension du féminin. L’apparition à la fin du XXe siècle des autrices et des ambassadrices n’est qu’une résurgence de ce qui existait au XVIIIe. Entre-temps on avait pris l’habitude d’appeler préfète celle qui était l’épouse du préfet ou générale la femme du militaire. L’expérience montre aussi que l’utilisation de termes comme les candidats n’est pas toujours bien comprise. Qu’elle suscite parfois moins de candidatures chez les femmes que chez les hommes. L’écriture dite inclusive est une façon d’éviter cet écueil. L’accord de groupes mixtes, qui amène à écrire « les garçons et les filles » sont contents, remonte à Vaugelas qui arguait que le genre masculin était le plus noble. Mais le grammairien né en 1585 n’avait pas croisé Sandrine Rousseau. Aucune raison donc de s’en tenir à ce qui n’est plus défendable. Surtout qu’on écrit aujourd’hui « certaines régions et départements ». Oui linguiste c’est un métier. Un métier scientifique.
L’Académie française une institution inutile
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Je me posais la question d’acheter ce tract, étant moi-même un fidèle auditeur des chroniques de Laélia Véron dans l’émission “C’est encore nous !”. Grâce à ses chroniques, j’ai été amené à m’intéresser à la construction de la langue, alors que la grammaire et l’orthographe me rebutaient. Votre billet va me permettre de me décider à l’acheter !
À 3,90 euros le rapport qualité-prix est imbattable. Et le livre est passionnant.