Claude avait grandi dans un environnement entièrement féminin, entre sa grand-mère, sa mère et sa sœur. Ce n’est que quand on lui demanda à l’école où était son père qu’elle comprit qu’elle n’était pas comme les autres. Elle s’aperçut que les garçons prenaient toute la place dans la cour comme le faisaient les grands hommes dans les livres. C’est sûrement pour cela qu’adulte elle avait autant apprécié La nuit des béguines d’Alice Kiner, un roman racontant des femmes qui échappèrent au XIVe siècle à leur condition en refusant de prendre un mari et d’entrer dans les ordres. Les béguines occupaient des lieux, bâtiments, rues, espaces urbains organisés, où les hommes n’étaient pas admis. Elles étaient « ni mariées, ni religieuses, ni soumises. Juste tranquilles. ». Comme souvent dans l’histoire on les avait oubliées parce qu’elles étaient des femmes. Mais alors que le dernier béguinage avait fermé ses portes en 1970, on se souvenait de celui de Paris situé au pied du rempart de Philippe Auguste. Il y avait aussi celui d’Anderlecht près de Bruxelles, le plus petit avec seulement huit femmes. Alors quand elle découvrit l’annonce qui proposait un hameau du Tarn avec quatre maisons, deux granges, deux hectares et demi de terrain, sans voisins proches. Le tout pour 320 000 euros, elle fit le rapprochement. À 46 ans Claude tenait le moyen de s’accorder un peu d’espace ainsi qu’à son fils Lenny. Pendant des mois l’annonce devint son obsession. Et puis elle rencontra Élie.
Elle fait sécession et se réinvente quelque part dans le Tarn
Délicat de définir ce livre. Roman féministe mais est-ce que ça a un sens ? Roman noir assurément puisque l’on sait dès le début qu’il finira mal, l’héroïne tuant un homme avec un fusil. Roman qui fait réfléchir sur la place des femmes. Mais surtout roman captivant écrit par une autrice qui a beaucoup de talent. Femme avec un fusil est le second bouquin de Sophie Pointurier après La femme périphérique que j’irai sûrement feuilleter. L’enseignante-chercheuse nous présente ici ce que certains pourraient qualifier d’utopie : une communauté de femmes constituée non pas contre les hommes mais pour le bonheur de celles qui la composent. L’idée n’a rien de nouveau puisqu’elle se rattache au béguinage du Moyen-Âge et plus récemment à la création des Terres lesbiennes de l’Oregon dans les années soixante-dix. Claude démarre le processus autant par le hasard d’une petite annonce que parce qu’elle s’ennuie en région parisienne. Avec ses compagnes elle fait sécession et se réinvente quelque part dans le Tarn. Cela passe par l’apprentissage de nouveaux gestes, de l’usage de la tronçonneuse à l’aménagement des bâtiments. Parce qu’elles découvrent la campagne mais aussi parce que ces tâches sont habituellement masculines. Et ça marche. D’autres femmes les rejoignent en adhérant au projet des quatre pionnières ou pour échapper à la violence d’un conjoint. Parce que même au fond du Tarn, même dans un domaine sans homme en dehors du fils de Claude, il y en a de la violence. Des mecs qui les traitent de salopes et qui sont partants pour leur donner un bon coup de bite.
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