C’est sa première fois. Sa mère âgée lui transmet le flambeau en l’envoyant seul dans le hameau du Fond du Puits. Elle soigne depuis longtemps ceux qui ne peuvent se rendre à l’hôpital trop lointain, qui ne trouvent pas de médecin, qui préfèrent les guérisseurs et les rebouteux. Parce que, dit-elle, nous voyons des choses cachées. Mais elle est désormais trop vieille pour parcourir les trente kilomètres qui la séparent de ce lieu coincé entre deux collines où le soleil ne vient jamais. Le fils arrive dans la maison de l’enfant malade accompagné du prêtre, et il ressent la violence du lieu. Il voit la table où l’homme a violé son épouse parce que le lit n’est fait que pour se tenir au chaud. Aujourd’hui elle est morte, il est désormais seul avec son enfant qui est d’une beauté stupéfiante. Alors que l’homme a passé sa vie à forcer les femmes, à se battre, à boire, il tient à sa descendance.

On y retrouve la noirceur déjà entrevue dans Une bête au paradis

La langue des choses cachées c’est celle que parlent le fils et sa mère. Celle qui n’est pas accessible aux autres. C’est l’histoire d’une transmission entre celle qui s’apprête à mourir et celui qui lui succède. L’action de ce court cinquième roman de Cécile Coulon chroniqué sur ce blog se déroule probablement en Auvergne dans un passé récent. On y retrouve la noirceur déjà entrevue dans Une bête au paradis car tout est noir dans cette histoire. Le village qui vit dans l’ombre, la couleur des maisons, les secrets familiaux, et plus encore les hommes qui s’approprient le corps des femmes comme bon leur semble. Tout est noir sauf la langue de Cécile Coulon toujours aussi belle. La jeune autrice raconte avoir écrit son roman d’une seule traite dans « un état hypnotique, bouillonnant, fiévreux » pour montrer que « plus on cache un événement, plus il persiste dans les générations suivantes ». Que l’on adhère ou non au surnaturel, on ne peut nier son talent de conteuse.

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