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Le blog de Laurent Bisault

Le ciel t’attend, Grégor Péan, Éditions Robert Laffont

Fév 25, 2024 #Robert Laffont

Place rouge, Moscou, 14 avril 1961. Les gens se pressent, un peu obligés, un peu volontaires, pour admirer Youri Gagarine le nouveau héros de l’Union soviétique. Il est le premier homme qui a été satellisé. Celui qui grâce à un vol d’une heure et quarante-huit minutes autour de la terre est entré dans l’Histoire. La propagande va s’emparer de ce symbole du progrès scientifique et industriel pour célébrer la mainmise de l’Union soviétique dans la conquête spatiale. Le pays qui sort à peine de la dictature stalinienne en a besoin pour redonner espoir à ses habitants. Partout on s’apprête à clamer que seul le communisme est capable d’un tel exploit. À côté de Gagarine trône Nikita Khrouchtchev l’apparatchik qui a succédé au petit père des peuples. Ce succès de la science soviétique renforce son pouvoir. Il a été rendu possible grâce à un homme d’origine modeste, né en 1934 dans un village rural à l’ouest de Moscou. Un Russe anonyme qui fut contremaître en fonderie avant de devenir aviateur.

La morale va l’emporter

Mais ce premier vol spatial habité ne doit rien au hasard. Il a été patiemment construit par un État en lutte frontale avec les États-Unis pour s’emparer du leadership mondial. Pour y parvenir chacun disposait d’un champion. Côté américain l’ancien Sturmbannführer des SS Wernher von Braun, le bourreau de Buchenwald. L’inventeur du V2 qui devait sauver l’Allemagne nazie avait été récupéré après la guerre par les Américains. De l’autre côté trônait l’ingénieur Sergueï Pavlovitch Korolev, rescapé du bagne de la Kolyma, le concepteur des fusées soviétiques. Dans ce combat d’ego la morale va l’emporter. Celui qui avait été déporté par Staline comme tant d’autres talents va se montrer plus brillant que l’ancien nazi. Au début il n’était pas pourtant pas question d’envoyer des hommes en orbite mais bien d’avoir des lanceurs pour les bombes nucléaires. Heureusement que les dirigeants russes allaient pour un temps choisir un autre cap.

Ce ne sont toutefois pas des secrets industriels qu’elle va ramener à Moscou

Splendide réussite que ce portrait magnifiquement écrit de Youri Gagarine qui tient autant de la biographie que du livre d’histoire. Officiellement c’est un roman. C’est du moins ce que Grégor Péan a fait figurer sur la première page de son livre. Mais on ne compte qu’un seul personnage important sorti de son imagination. Elle s’appelle Marina Socovna et elle a été envoyée aux États-Unis d’abord à Seattle chez Boeing. Ce ne sont toutefois pas des secrets industriels qu’elle va ramener à Moscou. Mais des disciplines totalement inconnues dans la patrie du communisme : l’audit et le marketing. Elle va s’en servir pour convaincre Khrouchtchev d’offrir aux peuples soviétiques un peu d’espoir.

Il est russe et non pas géorgien ni arménien

L’homme qui dirige le pays en a besoin pour affirmer son autorité puisqu’il n’est guère brillant. Il a certes su s’imposer en évinçant des concurrents comme Lavrenti Beria l’ancien chef des polices politiques de Staline. Mais après la guerre contre l’Allemagne nazie et les innombrables déportations dans les bagnes, le pays a besoin d’un nouvel horizon. Les Volga noires qui s’arrêtaient en bas de chez vous pour vous rafler doivent sortir de l’imaginaire collectif. Youri Gagarine en sera l’instrument privilégié. Il a une bonne bouille, ceux qui le côtoient l’adorent. Il est russe et non pas géorgien ni arménien. En volant et plus encore en racontant son exploit il va participer à la création d’une société idéale. La reine d’Angleterre comme Fidel Castro tomberont sous son charme. Grâce à l’ancien métallo le communisme repart pour trente ans.

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