Où l’on retrouve la famille Pelletier découverte dans les deux tomes précédents de ce qui devait être une trilogie, et qui comportera finalement quatre volumes. Le Grand Monde avait débuté à Beyrouth en 1948, tandis que Le silence et la colère nous avait amenés à Paris en 1952. Place désormais à de nouvelles aventures entre Paris et Prague. On commence en avril 1959 avec une réunion de famille dans la maison des grands-parents, histoire de se remettre en tête les protagonistes. Louis le grand-père et Angèle la grand-mère accueillent au Plessis-sur-Marne leurs enfants Jean, François et Hélène, tous les trois accompagnés de leur conjoint Geneviève, Nine, et Lambert. Colette, Philippe et Annie, la troisième génération, complètent la tribu. Jean s’apprête à partir en Tchécoslovaquie dans le cadre d’un voyage organisé par la chambre de commerce. Peut-être y trouvera-t-il de quoi développer ses magasins de tissus Dixie qui comptent déjà cinq succursales. Le voyage pourrait aussi alimenter « Édition spéciale » l’émission que François a créée avec succès à la télévision. Cela ne fait que deux années que Louis et Angèle ont lâché leur savonnerie de Beyrouth pour rentrer en France. Ils ont ramené Colette, qu’ils avaient accueillie pour la protéger de Geneviève sa mère, et l’ont conservée avec eux au Plessis. La petite fille, qui s’est lancée dans l’élevage d’abeilles dans le jardin de ses grands-parents, constate avec dépit la mort de ses protégées. Elle comprend que les abeilles dépérissent suite aux traitements chimiques effectués par leur voisin agriculteur Macagne sur ses arbres. Il la surprend quand elle vide ses bidons de pesticides et l’agresse sexuellement . Colette s’enfuit avec une certitude : elle va se venger.

Les deux blocs font feu de tout bois pour maîtriser le nucléaire

Pierre Lemaitre prétend que ses premiers jets sont de piètre qualité. Si cela est vrai, alors il doit sacrément les retravailler pour nous procurer autant de plaisir en nous racontant ses Trente Glorieuses. Son secret : il aime ses personnages, tous ses personnages, les « bons » comme « la méchante ». Elle c’est Geneviève, l’horrible épouse de Jean qu’elle humilie à longueur de pages, la mère de Colette qu’elle a poussée dans les escaliers dans un épisode précédent. Ce qui valut à la petite fille d’être exfiltrée chez ses grands-parents. Tout le monde déteste Geneviève chez les Pelletier, y compris les pièces rapportées comme Lambert qui en vient à dire à Hélène sa femme : « si vous trucidez Geneviève, appelle-moi que je participe ! ». Les autres, tous les autres sont gentils, même si Jean a quand même tendance à assassiner les jeunes femmes quand il perd la tête. En envoyant les deux frères Pelletier en Tchécoslovaquie Pierre Lemaitre complète sa panoplie avec des espions français qui tentent de rapatrier un agent double en poste à Prague. Nous sommes en pleine guerre froide, les deux blocs font feux de tout bois pour maîtriser le nucléaire, et l’ancien auteur de polars se régale dans ce milieu interlope. Certes la cité de Kafka regorge de pièges pour ceux qui s’en prennent au communisme. Certes la mort de Staline n’a pas fait disparaître la sculpture de sa tête qui pèse 38 tonnes. Certes les policiers tchèques ont beaucoup appris de leurs confrères du Gépéou. Mais Pierre Lemaitre va bien faire un effort pour sauver ses personnages. Il en aura besoin dans son quatrième tome.

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