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Le blog de Laurent Bisault

La peau dure, Vanessa Schneider, Éditions Flammarion

Août 21, 2025 #Flammarion

Vanessa Schneider n’en a pas fini avec son père. Après Tu t’appelais Maria Schneider consacré à sa cousine actrice où son père Michel apparaissait à plusieurs reprises. Après plusieurs posts Instagram où elle le mettait en scène, la journaliste-écrivaine publie La peau dure où elle interpelle son père dès la première phrase. Lui l’enfant de l’après-guerre, le soixante-huitard, qui à l’entendre aurait eu la belle vie notamment par son accès au pouvoir. À l’en croire il aurait eu le privilège « d’avoir tué à la fois le père et le fils ». Puisqu’on connaît la fin de l’histoire on peut ajouter que tout ne fut pas rose dans la famille Schneider, car Michel le père mourut rongé par les tumeurs, tout en contraignant ses descendants à disperser ses cendres clando dans la gadoue d’une forêt. Mais pour Vanessa le décès annoncé du père lui valut bien plus qu’une séance mortuaire au milieu des bois. Car Michel avait décidé qu’elle était la seule à pouvoir supporter ce qui allait avec la maladie : la préparation de l’après et l’accompagnement du père jusqu’à la mort. Et Vanessa accepta mi-lucide, mi-satisfaite d’avoir été choisie. Ce qui lui permit au moins de recevoir son ultime cadeau, Ce que j’ai voulu taire de Sándor Márai un écrivain qu’ils appréciaient tous les deux.

Ses études furent chaotiques

Michel Schneider est né en 1944 dans une famille déchue issue de la bourgeoisie brassicole strasbourgeoise du côté de son père et de l’aristocratie roumaine pour sa mère. Si les Trente Glorieuses à venir lui promettaient de belles choses, la fortune était derrière lui. Elle avait été consommée par une famille qui portait mal son nom tant elle avait éclaté de tous côtés. Seuls les éléments de culture, livres et musiques, avaient échappé au naufrage. Ses études furent chaotiques avec beaucoup d’indiscipline, mais il fut le seul au sein de sa fratrie à en faire. Se retrouver seul dans une chambre d’hôtel à quatorze ans, ne constituait assurément pas un bon début. Il loupa une première fois son bac, puis le réussit à la seconde tentative. Et ce n’est pas sa mère qui s’en était inquiétée tant elle était détruite par l’alcool et les hommes. Son « père » n’était pas davantage présent parce qu’il n’était pas son géniteur, mais Michel ne le savait pas encore. Cependant un de ses frères aînés ainsi que sa grand-mère avaient fait le nécessaire pour qu’il obtienne ce diplôme.

Mao était mort

Au début il fut maoïste, ce qui n’était guère fréquent parmi ceux qui avaient fait l’Ena. Sa figure de gauchiste lui interdisait les corps les plus prestigieux. Ceux dont il lui paraissait évident qu’iIs lui étaient promis. Michel Schneider se retrouva donc à la direction de la Prévision du ministère des Finances, un lieu « idéal pour mener à bien ses activités révolutionnaires ». « Mais certains responsables sabotaient les statistiques et ça le rendait dingue ». Le plus probable est que sa hiérarchie se trompait, et pas qu’un peu, sur ses capacités à faire basculer le pays à gauche avec trois chiffres et deux graphiques. Surtout qu’en réalité Michel Schneider n’était pas un stakhanoviste du boulot. L’essentiel de son activité était exercée auprès de mystérieux camarades avec qui il préparait la révolution, et au sein de sa famille qu’il emmenait soutenir tous les mouvements qui pouvaient être soutenus. Hélas pour lui l’engagement politique comporte ses risques, et en septembre 1975 Vanessa vit pour la première fois son père pleurer : Mao était mort. Il lui faudra du temps pour avouer le ridicule de ses positions de jeunesse. Il faut dire qu’il partait de loin le camarade Michel. Après la victoire de Mitterrand en 1981, il avait expliqué à un proche du nouveau président avoir mis un traître hors d’état de nuire en séquestrant un supérieur hiérarchique. Sûr que ça aurait ravi Gaston Defferre le ministre de l’Intérieur du moment s’il l’avait appris. De toute façon le meilleur l’attendait : l’accession à une meilleure position sociale, la liberté sexuelle, et la tranquillité puisque son épouse faisait tourner la maison. Quoi de plus normal que d’assigner ce rôle à une femme à qui il interdisait d’avoir un emploi rémunéré, tout en se déclarant par ailleurs partisan du MLF. Le changement dans sa vie passa notamment par la psychanalyse qu’il exerça à temps partiel et qu’il disséqua dans des revues et des livres. Ce nouveau statut le fit entrer dans un autre monde où l’argent ne manquait plus. Exit la Chine, place aux States.

Il ne supporta pas que sa fille publie

Pour la promotion de La peau dure Flammarion s’est fendue d’un post ventant « une relation filiale pleine de tendresse et de fureur ». En lisant le livre j’ai ressenti beaucoup plus de tendresse que de fureur. Et pourtant le père de Vanessa fut un tyran domestique, celui qui mettait en avant ses diplômes en dénigrant les autres. Il était profondément misogyne choisissant ses femmes de manière à les dominer intellectuellement. Quand son épouse le quitta à cinquante ans, elle était incapable de retirer de l’argent à un distributeur. Michel Schneider lui avait pendant des années imposé un compte commun qu’il surveillait rigoureusement. Elle avait tout au plus réussi à subtiliser quelques billets. On peine aussi à lire ce qu’il disait de Ségolène Royal. L’ancien Mao finit chaud partisan de La Manif pour tous, réclamant dans chaque famille un papa et une maman, ce que sa propre histoire familiale ne saurait justifier. Il fut même chroniqueur au Point et pour cela aucune excuse ! Mieux il ne supporta pas que sa fille publie car il ne pouvait y avoir deux Schneider sur les tables de librairie. D’où l’injonction adressée à Vanessa d’arrêter d’écrire ou de changer de nom. Il tenta plus ou moins de la torpiller quand elle débuta sa carrière à Libération. Au fil des pages on est quand même ému par cette relation qui aurait pu prendre fin quand Vanessa devint adulte. Oui il l’aimait et elle le lui rend encore. C’est sans doute ce qu’on appelle l’amour filial.

Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/La-peau-dure.html

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