Comme souvent chez Cécile Coulon ce huitième roman est celui d’un lieu. Après les Alpes de Trois saisons d’orage, l’Auvergne d’Une bête au paradis, nous sommes dans le Jura que l’autrice auvergnate a découvert à l’occasion d’un festival à Besançon. Comme souvent chez elle le livre est celui d’une femme. C’était Blanche dans Une bête au paradis, nous suivons ici Aimée Deville en cette fin du XIXe siècle. Comme souvent en bonne adepte du marathon, Cécile Coulon prend son temps pour nous raconter son histoire. Aimée est une jeune fille pauvre de bonne famille. Ses parents cherchent à la marier. Seul son cousin Claude, qui a été élevé avec elle, y trouverait à redire. Mais Claude se prépare aux métiers de la guerre et va donc quitter la maison. Candre Marchère est promis à Aimée. C’est un jeune homme riche, veuf et orphelin. Candre a vingt-six ans et règne sur le domaine familial au sein de la forêt d’Or peuplée de sapins. Il a été élevé par Henria la bonne de la famille qui a aussi un fils Angelin. Amand Deville presse sa fille d’épouser Candre parce qu’elle ne trouvera pas meilleur homme. Tout le monde connaît l’histoire de Candre dans le pays. Le décès de sa mère à l’église, son père qui s’est tué au travail, et sa première épouse décédée d’une pneumonie six mois après leur mariage. Candre ne boit pas, il mange peu, il se consacre à Dieu et n’accepterait pas d’épouser une femme contre son gré. Alors Aimée donne son accord, elle se marie avec Candre et quitte la maison familiale pour le domaine des Marchère. Le huis clos est en place avec ses quatre personnages : Aimée, Candre, Henria et Angelin. Plus un cinquième qui n’est jamais très loin, Aleth l’épouse décédée. Au début tout se passe bien. Candre respecte Aimée qu’il ne force pas le soir des noces, ni les suivants. Il prend son temps. Elle lui en est reconnaissante même si elle s’était préparée à cette première nuit. Il lui offre des cours de flûte pour l’occuper avec une professeure qui vient spécialement de Genève, comme il avait offert un petit chien à sa première femme.
Il y a un petit côté Rebecca d’Alfred Hitchcock dans ce livre
Aimée s’acclimate à sa nouvelle vie bien que beaucoup de choses demeurent mystérieuses dans la forêt d’Or. Qui est cette gouvernante omnipotente dont on pressent qu’elle connait tout ce qui s’est passé ici ? Qui est son fils un jeune homme d’autant plus secret qu’il est muet ? On s’interroge sur l’époux d’Henria, cet abonné des bistrots, ce joueur compulsif qui a officiellement disparu. Même Candre prête à interrogations. Certains le qualifient de mari curé car il prétend être le frère de tous les hommes, ce qui ne l’empêche pas de demeurer le maître de la contrée. Il y a un petit côté Rebecca d’Alfred Hitchcock dans ce livre. Cécile Coulon le revendique comme elle revendique d’avoir peu à peu transformé son récit en roman policier pour mieux accrocher ses lecteurs. On peut y adhérer comme on peut regretter l’absence du côté social des deux précédents romans. Ce choix est toutefois cohérent. Hitchcock n’était ni Zola ni Balzac. Si vous aimez les romans psychologiques, ce livre est fait pour vous. Il est comme toujours chez Cécile Coulon bien écrit. On continuera à suivre cette autrice.