« Le parquet, archicrasseux à cause d’hommes trop feignants pour pousser un balai, a été mon second indice que tout allait bien : j’étais à la maison ». D’emblée le cadre est posé. Ce roman est noir, très noir. Comme toujours chez David Joy qui porte bien mal son nom. On l’avait constaté sur ce blog avec Ce lien entre nous, et on retrouve les mêmes éléments dans Là où les lumières se perdent. Un roman rural qui se déroule dans les Appalaches, quelque part en Caroline du Sud. Car David Joy est attaché à ce territoire comme Jim Harrison pouvait l’être au Montana. Ses personnages aiment la nature, la pêche, la chasse à l’ours ou au sanglier. Ils s’imposent par la force si besoin avec une arme. Charles McNeely est de ceux-là. Pour asseoir son autorité, il achète suffisamment de flics qui ont bien besoin de son argent pour faire vivre leur famille. Les petits blancs qui entourent McNeely survivent comme ils peuvent dans des mobile homes bouffés par la rouille. Les pires d’entre eux bossent pour le caïd, les autres baissent la tête. La résistance pourrait toutefois venir de son fils. Jacob McNeely a toujours obéi à son père, mais cette fois il pourrait s’y opposer pour sauver son amie d’enfance. Là où les lumières se perdent c’est l’histoire d’un jeune homme qui hésite à tuer le père. Une histoire magnifiée par l’écriture d’un écrivain qui parvient à mettre un peu de lumière dans un monde glauque. Alors peu importe que l’espoir se fasse rare dans ce coin de l’Amérique profonde. Jacob veut y croire parce qu’à son âge on n’a pas encore tout perdu.
McNeely est un nom qui fait peur
Jacob McNeely dix-huit ans fume de l’herbe. Il bouffe aussi du Xanax pour apaiser ses nuits. De la broutille en comparaison de sa mère qui sniffe la cristal meth que lui vend son père le baron local de la drogue. Dans le comté de Jackson, McNeely est un nom qui fait peur. On ne les approche pas comme ça, on ne se présente pas devant leur maison sans y être convié au risque de se faire bouffer par les chiens les plus féroces de la région. De toute façon Charles McNeely ne prend aucun risque, au point de faire gueuler le tourne-disque pour ne pas être espionné quand il dit quelque chose d’important. L’argent qu’il engrange il le recycle dans son garage où les clients complices acquittent des factures déraisonnables. Jacob est aux ordres du paternel, alors quand il lui demande de le débarrasser d’un témoin gênant, Jacob le fait en compagnie d’autres petites frappes. Sans discuter et sans plaisir. Et puis il y a Maggie Jennings. La jeune et belle jeune fille, son amie d’enfance. Ils ont un moment été ensemble mais Jacob l’a quittée pour ne pas l’entraver. Parce qu’il ne la méritait pas. Aujourd’hui Maggie a gagné le droit de partir à l’université, sous réserve qu’elle puisse payer sa scolarité. C’est aussi ce que souhaite Jacob qui sait bien que rester sur place la condamnerait à une existence médiocre. Or de l’argent il sait où en trouver. Mais son père n’a pas l’habitude de se laisser dépouiller.
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