Ce roman est dérangeant, déstabilisant, c’est pour cela qu’il est réussi. Son personnage principal la juge antiterroriste Alma Revel est en charge d’une tâche impossible, protéger la société tout en respectant les droits des accusés. Nous lui demandons de nous épargner la barbarie et d’envisager une seconde chance pour ceux qui ont tutoyé le mal. Comme nous sommes aussi dans un roman, Alma tombe amoureuse de l’avocat d’un des prévenus dont elle s’occupe. Abdeljalil Kacem, un jeune homme intercepté avec femme et enfant à son retour de Syrie. Une situation incompatible avec sa fonction, qu’elle cache plus mal que bien. Alors qu’elle a sacrifié depuis des années sa vie privée à son métier, doit-elle aussi éteindre la petite lumière qui vient de s’allumer ? Alma Revel est une juge rouge, trop à gauche disent certains. Elle a hérité sa vision de la justice de son père qui avait choisi de suivre Pierre Goldman, rebelle dans les années 1968 de la gauche intellectuelle. Cela l’avait amené en prison d’où il était sorti détruit. Alma travaille en binôme avec François Vasseur son pendant de droite, récemment arrivé, dont les attentats de Charlie Hebdo ont été un des premiers dossiers. À quarante-neuf ans Alma est en instance de divorce. Mère de trois enfants dont l’aînée est adulte, elle ne partage plus rien avec son mari Ezra Halev. Ni le logement, elle réside dans un studio parisien, lui dans une maison de Fontainebleau. Encore moins les sentiments. Ils se sont aimés, puis éloignés quand Ezra s’est aigri avec l’insuccès de ses romans, lui qui très jeune avait obtenu le Goncourt. Il s’est depuis réfugié dans un judaïsme orthodoxe à l’image de ses parents qui ne voulaient pas qu’il épouse une goy.
C’est pour cela qu’elle a une protection policière
Son prédécesseur l’avait avertie, dans ce métier on est abîmé par la noirceur ambiante. Sur l’échelle de ses angoisses, le viol et la décapitation arrivent juste derrière la mort de ses enfants. Ce métier de juge antiterroriste elle le pratique depuis 2009. Elle a eu droit à l’affaire Mohammed Merah, ensuite ce furent les meurtres de Charlie, l’assassinat de la policière de Montrouge, la prise d’otages de L’Hyper Cacher, puis les attentats de novembre. Des messages de menaces elle en reçoit souvent. « Vous allez crever en enfer », « La juge, cette pute », « Les frères vont buter ta gueule, grosse salope », « SALE MÉCRÉANTE, ON VA TE DÉCAPITÉ ». C’est pour cela qu’elle bénéficie d’une protection policière qui ne la lâche pas, qui éradique sa vie privée. Tous les jours les suspects qui défilent dans son cabinet l’insultent. Les parents qui ont perdu un enfant dans un attentat lui reprochent son indifférence. A-t-elle peur ? Pour elle non, pour ses enfants toujours. Les personnes qu’elle interroge ont en commun d’être issues de l’immigration, et plus encore de chercher à donner du sens à des existences vides. Elle leur sert toujours la main quand ils entrent dans son bureau, même quand ils sont accusés de crimes abominables. Il s’agit d’affirmer la primauté de l’humanité sur la barbarie. Alma Revel fait face à des individus nés en France qui hurlent leur haine contre ce pays, refusent les lois de la République, se réclament de la charia. Elle doit se prononcer sur des psychopathes qui ont trouvé dans le djihadisme le terreau pour assouvir leur sadisme. Autant dire que les décisions qu’elle prend sont lourdes de conséquences. Mais Alma aime à rappeler que « Le risque de prendre une mauvaise décision n’est rien comparé à la terreur de l’indécision ». Aujourd’hui Abdeljalil Kacem jure qu’il a tourné la page, qu’il s’est affranchi de l’État islamique. Certains experts le décrivent toutefois comme manipulateur. Alma Revel prendra-t-elle la bonne décision ?
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