Susie Pritt une femme de vingt-neuf ans est embauchée pour peindre une fresque chez un particulier. Ce qu’elle appelle un 360, une peinture sur les quatre murs d’une pièce. Elle se pointe devant l’immeuble cossu construit au XVIIe siècle, protégé par une solide grille hérissée de pointes. Le hall d’entrée de l’appartement est aussi vaste qu’un palazzo vénitien avec un quart de queue Steinway. On lui concède quinze semaines pour les travaux avec obligation de s’en aller chaque jour à 14 heures. La pièce à décorer sera celle de Niels, le fils dont la famille Wagner est sans nouvelles depuis un an. Il avait alors dix-sept ans et demi. Susie Pritt boite. Un accident a-t-elle expliqué à M. Wagner. Sans préciser qu’elle a pris la balle de kalachnikov au Bataclan, là où elle a laissé le corps d’Esther sa sœur. Depuis Susie s’est lancée dans la peinture. C’était, pensait-elle un don enfoui en elle, qu’elle pourrait exploiter. Ça l’a d’abord amenée à Rio pour un premier chantier, quand les crises de panique la contraignaient encore à souvent lâcher son pinceau. De retour à Paris elle a persévéré avec l’aide de Milad le garçon d’origine iranienne qu’elle a rencontré. Un reportage diffusé sur France 24 l’a lancée dans son nouveau métier. Susie comprend vite que son nouveau chantier n’est pas ordinaire. Niels n’a pas disparu. Il est reclus dans sa chambre, derrière sa porte, et refuse tout contact avec sa famille qui voit dans la fresque un espoir pour le récupérer.
Il faut croire que la peinture fait des miracles
Deux douleurs enfouies, deux bonnes raisons pour que ce roman soit insoutenable. Or il est lumineux, il déborde d’espoirs, il nous raconte deux rédemptions. Celle de la rescapée des attentats qui s’en est sortie alors que sa sœur y est restée. Pire Susie doit la vie à Esther sous laquelle elle a fait la morte pour échapper aux terroristes. Pourtant des deux c’était Esther la plus solide, la mieux insérée dans la vie familiale et la vie sociale. Niels est encore moins bien parti dans son existence. C’est un hikikomori, une personne qui s’isole et refuse tout contact. Sa maladie est fréquente au Japon, parfois due au harcèlement et à la pression sociale. Mais il faut croire que la peinture, les pigments, les couleurs, le jaune, les noirs à la Soulages, l’orange sanguine et toutes les autres, l’odeur de la térébenthine font des miracles. Du moins sous la plume de Sophie Carquain, une journaliste qui a aussi beaucoup écrit pour les enfants. Son portrait de Susie Pritt est magnifique. Ce qui n’est pas surprenant quand on sait que les Éditions Charleston disent de leurs livres qu’ils racontent de belles histoires de femmes, des histoires qui font du bien.