Delphine était venue le chercher à la gare de Farsac, un village du Sud-Ouest de mille cinq cents habitants. Luc l’avait prévenu, c’était une femme comme on n’en rencontre qu’une seule fois dans sa vie. Ou alors en littérature. Delafeuille était content d’avoir accepté l’invitation. La maison en pierre où il allait résider était magnifique. Rien ne manquait au confort grâce à l’extension moderniste et à la chambre d’amis qui l’attendait avec son entrée indépendante. Pour la piscine c’était derrière le bâtiment. Seul petit bémol, il fallait partager la salle de bains. Mais il n’y avait pas à dire, les auteurs à succès avaient la belle vie. Leur monde était fait de jolies femmes, de whisky japonais dans les verres et de montre Poiray au poignet. Delafeuille avait la pression. La rentrée littéraire se profilait et on lui avait demandé de trouver le livre qui allait relancer sa maison d’édition. Cinq cent vingt et un romans allaient débouler sur les étals et il fallait que le sien fasse partie des pal, les piles à lire qui allaient encombrer les tables de nuit. Ce qui n’était pas chose facile dans cette époque post-covid où les Français passaient plus de temps à écrire leur roman qu’à lire ceux des autres. Celui de Luc pourrait être le bon puisque son ami avait décidé de quitter la Noire pour la Blanche. D’arrêter l’écriture des polars pour un roman éligible aux prix littéraires.
Un bon texte est un texte qui se vend
Ce livre avait tout pour que je ne le lise pas. Il relève de l’autofiction et il s’épanche sur un romancier qui peine à terminer son nouveau bouquin. Autant de sujets que je ne goûte guère. Et pourtant il fonctionne et pas qu’un peu. La livre de la rentrée c’est la présentation du petit monde germanopratin de l’édition à travers un personnage en quête du roman qui relancera les ventes de son entreprise. C’est surtout un récit où on ne sait jamais bien si on se trouve dans le livre en cours d’écriture ou dans le récit principal. On devrait s’y perdre, on s’y égare parfois, mais l’humour de Luc Chomarat emporte tout. Le portait de ce petit monde littéraire est ironique, jamais vachard. On y croise une directrice commerciale qui promeut un bouquin rempli de SMS et de fautes d’orthographe. C’est dans notre époque, alors ça va plaire coco ! De toute façon un bon texte est un texte qui se vend. Et pour faire du chiffre pourquoi ne pas parler des femmes qui lisent bien plus que les hommes ? Ce n’est pas Delafeuille qui dira le contraire car il en pince pour Delphine l’épouse de Luc. Ah l’amour, même dans les livres, même virtuel, c’est quand même ce qui compte avant tout.
Qu’en dit Bibliosurf ?
https://www.bibliosurf.com/Le-livre-de-la-rentree.html
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