Quand Dennis Lehane dit d’un auteur qu’il est l’avenir du roman noir alors on n’hésite pas. Parce que être adoubé par un des meilleurs auteurs du genre ça vous classe un écrivain. Il est de toute façon inutile d’attendre pour découvrir S.A. Cosby qui la cinquantaine passée a déjà écrit cinq romans dont trois traduits en français chez Sonatine. Le Sang des innocents est paru en janvier de cette année et il ne faut surtout pas le rater. C’est autant un thriller par l’enquête qui y est racontée qu’un roman noir sur le Sud des État-Unis. Un territoire qui semble marqué à jamais par l’esclavage. Côté enquête on suit un shérif noir qui doit retrouver l’assassin de gamins retrouvés dans un sale état, enterrés au pied d’un grand saule. Ça ne sera pas facile car le meurtrier ne recule devant aucune monstruosité. Mais c’est sans doute le contexte du roman qui est le plus intéressant. S. A. Cosby le connaît d’autant mieux qu’il est natif de Richemond en Virginie, une des anciennes capitales des États confédérés. Un endroit où certains perdants de la Guerre de Sécession ont préféré brûler leurs esclaves que les libérer. Cosby nous narre donc un Sud jamais sorti du racisme et préempté par les Églises de toute sorte. Elles sont méthodistes, catholiques, pentecôtistes, luthériennes ou des témoins de Jéhovah, et rivalisent d’hypocrisie pour bourrer le mou à ceux qui n’ont plus rien d’autre à quoi se raccrocher. Le plus souvent pour le plus grand intérêt financier des curés, des pasteurs et des autres prédicateurs. Ici un shérif noir est encore souvent un nègre avec une étoile, qui doit non seulement s’opposer à ceux qui n’ont jamais reconnu les Afro-américains comme leurs égaux, mais aussi aussi aux pouvoirs économiques. Cela donne un roman sanglant, parfois glauque, qui n’en est pas moins passionnant et au total très réussi.
Dans la communauté noire de Charon la colère gronde
Titus Crown est le premier shérif noir du comté de Charon non loin de Piney Island en Virginie. Un coin tellement apaisé que les suprémacistes blancs y défilent pour nier que leurs grands-parents aient jamais été des assassins. Ancienne gloire du football américain, passé par le FBI, Titus est appelé pour une fusillade en cours au lycée. Il s’y rend le plus vite qu’il peut et reconnaît le jeune homme qui a tiré. Il s’appelle Latrell Macdonald et le shérif est un ami d’enfance de son père. Titus tente de le maîtriser quand deux de ses adjoints tirent et tuent le jeune homme. Avec Spearman le professeur de géographie abattu par Latrell, ce sont deux cadavres qui sont envoyés au département de médecine légale de Richemond la capitale de la Virginie. Quand Titus Crown se rend chez Calvin et Dorothy les parents de Latrell Macdonald il apprend que leur fils était mentalement dérangé depuis quelque temps. Il s’était pointé chez eux une machette à la main en hurlant qu’il était le diable. Dans la communauté noire de Charon la colère gronde. Elle est nourrie par des années de sévices policiers contre ses membres. Et cette fois encore ce sont deux adjoints blancs de Titus qui ont abattu un jeune noir. Or Titus pendant sa campagne électorale avait promis d’être un shérif noir, pas le shérif de la communauté. Boucler cette affaire s’annonce donc difficile pour Titus pris entre les attentes contradictoires de ceux qui l’entourent. Surtout que les morts de la tuerie en annoncent beaucoup d’autres.
Qu’en dit Bibliosurf ?
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