Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Eureka Street, Robert McLiam Wilson, Éditions Christian Bourgois

Avr 3, 2024 #Christian Bourgois

Belfast début des années 1990. Le Bloody Sunday est déjà loin mais le processus de paix est encore à venir. Jake Jackson est un catho au grand cœur. Sa petite amie Sarah, une Anglaise, l’a quitté lassée des violences de la ville. Avec Crab et Hally Jake vide les apparts de tout ce qui n’a pas été payé, et ils grattent un peu d’argent sur la revente de leurs prises. Principale différence entre ses deux acolytes : Crab est gros, gras et laid alors que Hally est gros, gras, laid et vicieux. C’est au saut du lit que leur business marche le mieux comme si les victimes devaient porter un pantalon pour résister. Jake habite un quartier huppé, pas comme ceux de l’Ouest célèbres pour les voitures calcinées et les patrouilles militaires. Le samedi Jake sort dans les bars avec des mecs qui ne sont pas tous des lumières. L’un d’entre eux est tellement jaloux qu’il poudre les seins de sa promise à la recherche d’empreintes digitales. C’est dans un de ces rades que Jake rencontre Mary dont il se dit en touchant sa peau qu’il ne se suicidera pas dans le mois. Petit problème quand même, Mary aime un flic et ne veut pas foutre en l’air son couple. D’origine protestante Chuckie Lurgan habite Eureka Street. Chuckie est l’ami de Jake et il se décide enfin à trente ans à gagner de l’argent. Il rencontre Max une jeune américaine qui est propriétaire de la crèche où elle travaille. Mais peut-on faire d’une pierre deux coups : tomber amoureux et mettre de l’ordre dans sa vie professionnelle tout en continuant à boire des bières ?

La force de Robert McLiam Wilson est de mettre au second plan les bombes qui explosent

Eureka Street c’est le portrait doux-amer de Belfast une ville prolétaire déchirée par une guerre fratricide. Ce sont deux amis qui nous la racontent, deux potes indifférents au clan auquel ils sont censés appartenir. Jake et Chuckie se contentent de vivre, de tenter de gagner un peu d’argent, et surtout de se retrouver au bar entre potes où ils s’enfilent des pintes avant de regarder ou de participer à une bataille rangée. Elles ne sont en rien théologiques, ni des moments où on affirme son identité. Il s’agit juste de s’occuper le week-end dans une ville où les ados des secteurs les plus pauvres utilisent du ruban adhésif en guise de capote. Cela donne un roman très attachant à l’image de ses deux protagonistes malgré quelques longueurs. La force de Robert McLiam Wilson est de mettre au second plan les bombes qui explosent et tuent presque au hasard, en distillant de nombreuses scènes d’humour. Chuckie, qui a toujours vécu dans les quartiers pauvres de Belfast, parvient ainsi à devenir riche en publiant une annonce ventant les mérites du plus gros godemiché du monde. Il le propose pour 9£99, satisfait ou remboursé, alors qu’il n’en possède qu’un exemplaire. Mais Chuckie a compris que quand ses clients, lassés d’attendre la livraison, exigeront leur remboursement, il le fera en tamponnant chaque chèque du libellé « Remboursement godemiché géant ». Ce qui les dissuadera de présenter leur chèque à la banque. Il faut bien vivre quand entendant le bruit d’une explosion on se contente de demander : « Tu crois que c’était une à eux ou à nous ? ».

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