Dans l’histoire des romans noirs nordiques on dira un jour qu’il y eut le Suédois Stieg Larsson avec son tome un de Millénium, puis le Finlandais Arttu Tuominen avec Tous les silences. Pourtant ce ne sont pas les bons auteurs de polars qui manquent au nord de l’Europe, de l’Islande, à la Norvège et à la Suède. Le Danemark est peut-être en retrait, même si les scénaristes du pays ont multiplié les réussites. Mais jusque-là on parlait peu des auteurs finlandais. Avec la publication en français du troisième roman d’Arttu Tuominen cela va changer. Tous les silences est pourtant d’une construction classique qui alterne une enquête policière et des passages dans un lointain passé.
Dans le jardin de la maison de retraite ses collègues font une découverte macabre
Septembre 2019, Albert Kangasharju quatre-vingt-dix-sept ans se déplace en déambulateur dans le jardin d’une maison de retraite quand il est attaqué par deux hommes. Inkeri l’infirmière qui s’occupe habituellement de lui les met en fuite, et le vieillard est transporté dans un état critique à l’hôpital. C’est Jari Paloviita de la police judiciaire finlandaise qui est chargé de l’enquête. Alors qu’il espère interroger Kangasharju dans sa chambre, il surprend un faux médecin en train de l’étouffer avec un oreiller. Il tente de l’appréhender mais l’homme parvient à s’enfuir. Dans le jardin de la maison de retraite ses collègues font une découverte macabre : un tabouret et une corde reliée par un nœud coulant à un arbre. Alors que le vieillard n’a pas repris connaissance les policiers se demandent comment expliquer cette tentative d’assassinat sur une personne qui, du fait de son âge, est amenée à mourir sous peu. La réponse n’est ni sur les lieux de l’agression, ni dans l’ancienne vie professionnelle d’Albert Kangasharju. Il faut aller la chercher plus loin, début 1941 quand il s’est engagé encore très jeune dans la Waffen-SS. Et cette face cachée de son existence, qui nous emmène aux côtés des volontaires finlandais lors de l’envahissement de l’Urss, va nous livrer les clefs de l’enquête.
Plus de mille Finlandais ont participé à l’opération Barbarossa en 1941
Tous les silences nous révèle une face cachée de l’histoire de la Finlande, qui ne se résume pas à la résistance héroïque du pays à l’agression des forces staliniennes, tel que le raconte Olivier Norek dans Les guerriers de l’hiver. Car comme des Roumains et des Italiens, plus de mille Finlandais ont participé à l’opération Barbarossa en 1941 qui devait amener les forces nazies aux portes de Moscou. Il n’en fut rien ce qui n’empêcha pas les alliés du Reich de « nettoyer » les villages en massacrant les populations civiles à commencer par les Juifs. Si cette histoire est mal connue, c’est que les survivants finlandais une fois rentrés chez eux ne l’ont jamais racontée, et qu’on leur a facilité la tâche en leur permettant de changer de nom. Si l’État finlandais y a contribué c’est aussi pour ne pas provoquer son voisin soviétique après la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’autre intérêt du roman réside dans la psychologie des personnages. Impossible de ne pas s’attacher à l’équipe policière qui mène l’enquête. Dans leur travail et leur vie privée, comme l’ont souvent réussi les romanciers suédois Stieg Larsson et Camilla Läckberg. Dans les pages de Tuominen on croise un quarantenaire dont le couple s’étiole, une enquêtrice qui se moque de ce qu’on dit de sa vie intime, et un fort en thème capable de se souvenir de ce qu’il a lu il y a un an. C’est parce qu’ils sont humains qu’ils s’interrogent sur la nécessité de traquer le mal, très longtemps après qu’aient été commis des crimes monstrueux. « Tu trouves que ce vieux rabougri a l’air d’un monstre ? » se demande Paloviita.
Qu’en dit Bibliosurf ?
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