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Le blog de Laurent Bisault

J’emporterai le feu, Leïla Slimani, Éditions Gallimard

Fév 9, 2025 #Gallimard

Mehdi avait été nommé président du Crédit commercial du Maroc (CCM), un obscur organisme spécialisé dans l’immobilier et le tourisme. Quand il découvrit les locaux il crut s’être trompé. Il pénétra dans un taudis qui sentait l’huile de friture et l’eau de javel. Son bureau était bruyant avec des murs d’un jaune pisseux. Il se sentait d’autant plus humilié que ses camarades de promotion étaient à la tête d’institutions prestigieuses, et bénéficiaient d’une voiture avec un chauffeur. Une fois les dossiers parcourus il sut que la boîte n’était pas gérée. Que les clients ne remboursaient pas leurs crédits qui avaient été accordés sans aucune garantie. C’est pour cela qu’en janvier 1980 il fit installer une salle informatique, et l’équipe du CCM se souda autour de son patron. C’est à cette période qu’Aïcha accoucha de sa deuxième fille, un événement dont elle redoutait les affres car elle était gynécologue. Quand elle rentra de la maternité avec la petite Inès, Mia âgée de six ans déclara que c’était le pire jour de sa vie. On lui expliqua que ça aurait pu être plus douloureux encore, si Aïcha avait eu un fils. Mia détesta Inès au point qu’elle tenta de l’étouffer dans son berceau. En 1985 le Crédit commercial du Maroc était devenu un organisme respecté dont on enviait la croissance.

Il y a trois bornes à ne jamais franchir : la religion, le roi et le Sahara

Troisième et dernier volume de la trilogie familiale de Leïla Slimani. Le pays des autres était le roman de la colonisation, Regardez-nous danser celui de la décolonisation, Magnifiquement écrit, J’emporterai le feu débute avec l’apparition de la mondialisation et nous emmène jusqu’à la période du covid. On y retrouve les principaux personnages des tomes précédents à commencer par Amine le patriarche et Mathilde sa femme qui ont créé leur exploitation agricole là où il n’y avait rien. Ainsi qu’Aïcha leur fille et son mari Mehdi. Ce troisième opus est celui de la génération suivante, Mia dont le personnage est fortement autobiographique, et Inès. Les deux sœurs ont accès à une éducation occidentale et à un niveau de vie inaccessible pour la quasi-totalité des Marocains. Mais leur mère leur inculque quand même la lâcheté nécessaire à ceux qui veulent vivre en paix, dans un pays où les indics peuvent à tout moment vous envoyer en prison. Parce qu’au Maroc sous Hassan II il y a trois bornes à ne jamais franchir : la religion, le roi et le Sahara. Ce n’est pas forcément suffisant et Mehdi le découvrira à ses dépens. Quant à assumer son homosexualité comme tente de le faire Mia, ce n’est vraiment pas le bon endroit. J’emporterai le feu est l’histoire, âpre, violente, de la quête d’identité de Mia entre la France et le Maroc. Son père qu’elle admire tant est fier de la culture française de sa fille, tout en lui imposant des cours d’arabe. La question ne sera jamais tranchée, puisque Mia comme Inès refusent de choisir entre leurs deux pays quand ils s’affrontent pendant la Coupe du monde de football 2022. Même si les personnages voyagent d’un continent à l’autre, ils continuent encore et encore à se demander qui ils sont.

Qu’en dit Bibliosurf ?

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