Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Ma Chérie, Laurence Peyrin, Éditions Calmann-Lévy

Juil 8, 2020 #Calmann-Lévy

Elle s’appelait Gloria Mercy Hope, née à Chooga Pines un village de maisons en bois au bord de la mangrove de Louisiane. Parce qu’enfant elle souffrait d’un léger strabisme, elle fut surnommée à l’école Sœur bigleuse par les petites pestes qui l’entouraient. Mais à seize ans tout changea. Elle prit quinze centimètres, douze kilos, des fesses et des seins qu’elle enduisait généreusement d’huile de coco avant de se coucher. À 18 ans un photographe la bascula à l’arrière de sa corvette en lui promettant un avenir radieux qu’elle accepta. Devenue blonde, elle devint Miss Floride avant de poser en playmate du mois dans Playboy. Tous l’appelaient désormais Ma Chérie. Son coiffeur, ses amies, Hugh Hefner le patron de la revue, et surtout Gerry Grayson le riche agent immobilier de Miami qui l’avait électrisée quand elle le rencontra. Exit le photographe parti ramasser d’autres pin-up. Place aux tempes argentées et aux épaules larges de GG qui, en plus de sa femme fragile et de ses enfants, se fit un plaisir de l’entretenir en la plaçant dans une superbe villa. D’où l’intérêt de performer dans son métier. Elle avait beau venir d’une famille modeste, Ma Chérie apprécia rapidement la compagnie des happy fiew ainsi que le luxe des robes Balenciaga, Puci, Givenchy ou Dior qu’elle n’enlevait que pour GG. Une vie de rêve pour cette fille de bûcheron et d’une mère d’origine séminole, ce peuple amérindien des Everglades, qu’elle ne voyait plus jamais. Mais un jour la roue tourna. Gerry Grayson fut arrêté pour avoir escroqué ses riches clients et incarcéré. Ma Chérie prit conscience qu’elle ne disposait que de 370 dollars puisque GG prenait tout à sa charge. Elle revint chez ses parents, son père montrant pour ce retour aux sources un enthousiasme modéré, puisque la dernière fois qu’il avait vu sa fille remontait au jour où ses collègues lui avait placé sous le nez le poster central de Playboy.

C’est plein de rebondissements

Commence alors pour elle une nouvelle vie qui permet à Laurence Peyrin de nous concocter un roman encore plus réussi que L’Aile des vierges. Un roman dont le personnage principal n’est ni stupide ni simplette. Juste une jeune femme qui découvre la vraie vie la trentaine passée. Ma Chérie va peu à peu se reconstruire au milieu d’une Amérique encore marquée par la ségrégation raciale et par la Guerre de Corée. Tout commence par la rencontre d’un Noir dans le car Greyhound qui l’emmène de Miami à Tampa à côté duquel Ma Chérie est contrainte de s’asseoir faute d’autres places disponibles. Pas forcément une bonne idée dans ce Sud profond où la ségrégation raciale est encore de mise. La suite lui permet de redécouvrir ce qui fut l’univers de son enfance, avec les personnages qu’elle avait côtoyés il y a bien longtemps, mais qui ont tellement changé. C’est plein de rebondissements, distrayant et enrichissant. On ne saurait trop vous conseiller de découvrir le talent de Laurence Peyrin, écrivaine française dont l’œuvre parle de ce qu’elle dit le mieux connaître : les femmes et le monde anglo-saxon où elle vit une partie de l’année. Une vraie réussite.

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