Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Les prisonniers de la liberté, Luca Di Fulvio, Éditions Slatkine & Cie

Jan 3, 2020 #Slatkine et Cie

Ce mec est une énigme. Un ovni littéraire surgi de nulle part, qui enchaîne les succès en France depuis 2016. Mais bien avant en Italie et même en Allemagne, où cet écrivain romain avait déjà vendu plus d’un million d’exemplaires du Gang des rêves. C’est l’éditeur suisse Slatkine & Cie qui lui a ouvert les portes de la France. Bonne idée pour son compte d’exploitation car Di Fulvio trouva immédiatement son public, un public fidèle qui profita ensuite des Enfants de Venise puis du Soleil des rebelles. On ne prend pas beaucoup de risques en annonçant que le succès va se perpétuer avec Les prisonniers de la liberté. D’abord parce que Di Fulvio fait à nouveau preuve de son incroyable capacité à nous raconter une histoire, qui nous amène au bout des 600 pages de son bouquin. Et parce que ce roman est peut-être encore plus captivant que les précédents. Di Fulvio c’est sans doute le Dumas des temps actuels. Ou alors le Luigi Natoli si on préfère les références italiennes. Qu’importe si la psychologie des personnages n’est pas la plus élaborée. Qu’importe que Di Fulvio décline toujours le même thème, celui de la fuite d’enfants ou de jeunes adultes devant les forces du mal. Après deux incursions dans le Moyen Âge, il revient sur les traces de son premier succès en investissant le début du XXesiècle avec trois personnages. Rosetta Tricarico violée et privée de ses quelques arpents de terres siciliennes par le Baron qui régente son village. Elle doit donc quitter son île pour l’Argentine. Rocco Bonfiglio embarque sur le même navire. Il a comme Rosetta une vingtaine d’années, et fuit la Sicile pour échapper à l’emprise de la maffia. Raechel Bücherbaum n’a que treize ans. Mais à treize ans, partir de son shtetl de Russie est une opportunité qu’elle ne doit pas rater pour échapper aux pogroms. Alors elle s’impose dans le convoi de la Societad Israelita de Socorros Mutuos Varsovia qui emmène les plus belles filles du village en Argentine, où le métier de servante leur est promis. Pourtant Raechel ne ressemble pas aux autres filles, avec sa tignasse qui lui vaut le surnom de porc-épic et son absence absolue de féminité. Nos trois personnages sont voués à se rencontrer à Buenos Aires. Une mégapole où en 1912 des flots d’immigrés rejoignent le prolétariat argentin. Des mâles pour la plupart, grâce à qui les pires maquereaux du monde font fortune en leur fournissant de la viande à volonté. Les prisonniers de la liberté est le récit de trois révoltes. Celle de Rosetta qui ne peut accepter que les femmes soient les dernières roues du carrosse. Celle de Rocco qui fera tout pour retrouver Rosetta, qu’il a perdue de vue à la sortie du bateau. Et la révolte de Raechel, dont la laideur va lui permettre de sortir du bordel où elle a été amenée. Et si après avoir lu ce livre, vous n’êtes pas tombés amoureux des bas quartiers de Buenos Aires, de son petit peuple, de ses dockers, et de ses mères qui ne peuvent plus que faire la pute pour nourrir leurs enfants, on ne peut plus rien pour vous.

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