Un petit roman pour une grande émotion. Un court récit pour nous raconter la vie d’une femme abîmée et qui revit en écrivant une lettre à l’homme dont elle est tombée amoureuse. Pourtant il ne s’est presque rien passé entre eux. Pas même un baiser. Pas même des paroles car ils ne parlent pas la même langue, elle est Française, il est Japonais. Tout juste des effleurements, chastes, pudiques et sensuels. Cet homme est masseur. Il a pratiqué son art dans l’annexe d’un salon de thé où une jeune femme a déposé devant Alice un futsumushi sencha aux feuilles d’un vert intense en provenance de Miyazaki. Alice était vêtue d’un simple pyjama sur sa peau nue. Ce n’était pas prévu, en temps normal Alice aurait refusé, mais bizarrement elle n’a pas sursauté au contact de ses doigts, et quand ce fut fini elle s’est sentie neuve, rassasiée et honteuse. Son sang a recommencé à circuler, elle l’enseignante en retraite anticipée dont les élèves de son collège disaient qu’elle leur donnait froid.
On ne dit pas « Je t’aime » mais « Il y a de l’amour »
Alors comme Alice n’est pas capable de dire son amour, elle va l’écrire. En japonais. À 48 ans Alice va apprendre cette langue avec un professeur, Roger Tanaka 20 ans, né à Osaka d’un père francophile amoureux de Brigitte Bardot. Fan du cul de l’artiste aperçu dans Le Mépris, il donna à son fils le prénom de Vadim, le premier mari de Bardot. L’apprentissage dure un an. Au bout de six mois, Roger ne lui parle plus que japonais. Alice en profite pour découvrir les haïkus et s’initie à la littérature nipponne au-delà de Murakami qu’elle connaissait déjà. Kenzaburô Ôé, Kawabata, Mishima et Tanizaki. Ce ne sera pas suffisant pour savoir dire je t’aime, car en japonais on ne dit pas « Je t’aime » mais « Il y a de l’amour » comme il y a du soleil. Entre-temps Alice se sera réapproprié son corps martyrisé et violenté depuis sa grossesse précoce. Elle qui avait été belle mais qui ne le savait plus. Elle aura dompté ses souvenirs, revisité sa vie. Alors peu importe que l’entourage familial de sa fille la méprise. Alice a redécouvert le désir nocturne en rêvant de son insaisissable masseur. Alice espère qu’il comprendra ce qu’elle ne lui dit pas.