C’est l’histoire d’une fille qui ne réussit jamais à se faire aimer de sa mère parce que sa génitrice avait elle-même été privée d’amour. Le récit d’une enfant d’immigrés qui va rejeter ses racines berbères, dont à la croire elle ne sauverait que l’affection d’une grand-mère paternelle entrevue pendant un séjour au pays. C’est un parcours qui illustre une réussite magnifique au sein de l’école républicaine. Au total un premier roman autobiographique extrêmement touchant, accessoirement couronné de plusieurs prix. La mère de Dalie Farah avait grandi à Meskiana dans les Aurès, petite fille parmi tant d’enfants d’une famille qui tous ne survivaient pas. On l’appelait Vendredi, rapport à son jour de naissance comme son frère aîné s’appelait Samedi. Sa mère lui avait confié la charge du poulailler familial, et elle avait intérêt à bien s’en occuper sinon ça tombait dru. Heureusement son père qui l’aimait si fort, l’emmena avec lui dans la montagne garder des chèvres. Quand elle devint pubère, il accéda à son plus grand désir : lui acheter une jupe. Plissée, noire et blanche, ce qui lui permit de se libérer de ses pyjamas de coton qui cachaient ses jambes. Et ce qui déclencha la rage de sa mère. Mais la jeune fille perdit rapidement son soutien paternel, quand il fut assassiné devant elle par des soldats français. Retour à la tutelle maternelle, à ses coups, ses meurtrissures et ses humiliations. Vendredi rêvait d’être un garçon, d’apprendre à lire, ce qui n’était pas possible. Elle essaya pourtant en s’enfuyant de la maison, parce qu’elle avait entendu dire que le soldat qui faisait la classe, acceptait parfois les filles. Elle avait une bonne raison pour le faire, elle venait de se faire violer par Samedi. Pour s’en débarrasser, sa mère la maria avec un veuf de vingt ans son aîné qui avait besoin d’un ventre fertile. Il l’emmena en France sur un bateau où tout puait. Elle atterrit à la campagne, Ponteix près de Clermont-Ferrand. Vendredi ne parlait pas français, tout juste le berbère des montagnes. Elle ne savait pas encore qu’elle était très belle. Le 22 février 1973 naissait Dalie contre la volonté de sa mère âgée de dix-sept ans, qui pourtant avait tout fait pour retrouver rapidement le ventre plat de ses seize ans. Mais rien n’y fit, même pas se jeter de son vélo sans frein dans une descente. Et pas davantage l’introduction d’objets dans son intimité. Après les grossesses s’enchaînent, vendredi n’aime pas ça comme elle n’aime pas ouvrir les cuisses pour son mari, mais elle n’a pas le choix. Puis vient le déménagement, suite à l’accident de son époux. La famille se retrouve impasse Verlaine à Clermont dans un HLM.
Cela veut aussi dire que Dalie a une tête d’ Arabe
À cinq ans Dalie reçoit une gifle de son institutrice pour avoir griffé un des élèves de sa classe. Que n’avait-elle fait. Voilà Vendredi qui déboule à l’école pour rendre la baffe. Sa mère l’aime. Quelle découverte ! Si Vendredi sait compter, son père lui avait appris, elle ne sait ni lire ni écrire. Petite chevrière elle n’a pas reçu l’éducation religieuse de ses frères. Sa fille va apprendre pour elle. À sept ans elle remplit les imprimés de sa mère et des voisins. Elle l’aide à assimiler le code de la route. Dalie cuisine. Sa mère ne sait pas ou alors pas bien. De toute façon seule Dalie peut lire une recette. L’unique fois où son père, au chômage, lui fait à manger elle refuse de goûter. Pâtes à l’amidon et viande bouillie. Ça se finit en correction. Certes son père n’a que rarement mangé à sa faim dans son enfance, mais il a surtout la main leste. Entrée en sixième au collège de Montferrand, celui des enfants de gendarmes parce que Dalie a fait le nécessaire pour éviter de rester dans le quartier. Un collège de Blancs. On admire ses boucles qui n’ont pas besoin d’une permanente. Mais cela veut aussi dire que Dalie a une tête d’ Arabe. Logique, sa mère femme de ménage nettoie la France quand son père maçon la construit. Dalie rêve encore que sa mère l’aime. Toutes les publicités le disent : l’amour maternel ça existe. Peine perdue, Vendredi continue à la battre. Plus que tout elle veut savoir si sa fille parle aux garçons. À 17 ans Dalie récupère un vélo rouge symbole pour elle de liberté. Des livres, qu’elle vénère depuis toujours, et des vélos voilà ce qu’elle se promet d’offrir aux filles. Des livres qui lui avaient permis de participer au voyage scolaire au pays du Grand Meaulnes parce que ses professeurs la voyaient hallucinée par la littérature. Des livres qui sont comme les études un moyen de s’enfuir. Qui la mèneront au bac puis aux professorats de français et de philosophie à Thiers.