Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

L’autre qu’on adorait, Catherine Cusset, Éditions Gallimard

Jan 6, 2017 #Gallimard

Thomas est retrouvé mort, suicidé, à trente-neuf ans aux États-Unis. Une fin tragique pour ce professeur de la modeste université de Richemont en Virginie qui se pensait destiné à une vie magnifique. Catherine, une ancienne maîtresse, nous raconte sa vie dans un roman entièrement écrit à la seconde personne où Thomas Bulot est selon les moments séduisant, enthousiasmant, arrogant ou à claquer. Tout commence au quartier latin en décembre 1986 avec la mort de Malik Oussékine, tué par les voltigeurs de la police. Le roman n’a pourtant rien de politique, Thomas étant bien trop égocentrique pour se préoccuper d’autre chose que de lui. Vénéré par sa mère juive, il prétend très tôt mépriser la médiocrité. Normale Sup lui est donc promise. D’où son incompréhension quand il rate une première fois le concours alors que Nicolas, son condisciple de Khâgne, est reçu. Il remet cela l’année suivante. « Pas admissible. Comment est-ce possible, quand tant de crétins le sont ? ». Thomas a une forte propension à se laisser vivre. À profiter de ses atouts. Et il en a, sûr de lui, débordant de bagout, enchaînant les conquêtes et passant son temps entre musique et cinéma. Il n’habite pas pour rien au Quartier latin. Faute de Normale, il est admis à la Columbia University. Il y fait sa thèse sur Proust. En prenant son temps, car il y a tant de choses à faire à New York. La vie est belle. L’Amérique est faite pour lui. Les femmes aussi. Toutes attirantes. Toutes charmées, les prudes comme les délurées. Elisa, la Californienne qui finit par le quitter de façon incompréhensible. Ana la Roumaine qui part vivre en France. Et tant d’autres. Mais le temps défile et la thèse de Thomas n’est toujours pas terminée, ce qui le prive d’un poste à Columbia. Aucune importance, l’université de Princeton ne peut le refuser. Nouvel échec. Thomas décroche un emploi à la fac de Portland dans l’Oregon. Pour voir venir. Olga, la Russe est l’amour de sa vie. Il va se marier avec cette professeur qui est une bombe au lit. Pourtant Olga s’en va. Thomas atterrit à Salt Lake City dans l’Utah chez les Mormons puis à Richemond où il découvre Nora une sublime rousse. « Un corps de vierge raphaélique aux proportions parfaites ». Exactement ce qu’il faut à ce lecteur de Sodome et Gomorrhe. Thomas n’est pas spécialiste de Proust pour rien. La loi interdit pourtant toute relation entre un professeur et ses étudiants. Mais peut-on interdire l’amour ? Les allers et retours entre la France et la Virginie ont raison de ses maigres ressources. Il déprime. « Maniaco-dépressif » lui annonce un psychiatre en prescrivant un traitement au lithium incompatible avec le désir sexuel et l’alcool. Thomas s’effondre pendant un séjour parisien. Apparaît Sylvie dont les goûts sexuels comblent Thomas. Nora est vite oubliée. La poursuite de sa carrière nécessiterait qu’il se remette au travail. L’évaluation de son travail à Richemont en dépend. Il repousse l’échéance mais ne fait plus illusion même dans une petite université. Travailler en France serait difficile car ses diplômes sont américains. La fin est proche.

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