Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

La petite femelle, Philippe Jaenada, Éditions Julliard

Jan 8, 2017 #Julliard

Connaissez-vous Pauline Dubuisson ? Probablement pas même si Pauline eut son heure de gloire, bien malgré elle, en 1953. L’année où son procès la rendit célèbre au point d’inspirer deux films : En cas de malheur d’Autant-Lara et La vérité de Clouzot. Deux films interprétés par Brigitte Bardot qui incarnait alors la quintessence de la jeune femme sulfureuse. Le titre du roman de Jaenada est d’ailleurs repris d’un des dialogues de Bardot. On a du mal à croire à l’importance de ce procès qui faisait suite à la mort de Félix Bailly, l’ancien amant de Pauline. Meurtre par accident selon la défense, meurtre par préméditation d’une femme qui voulait se venger selon l’accusation. Des évènements comme celui-là on en trouve pourtant des dizaines dans l’histoire judiciaire. Mais aucun n’a suscité autant d’échos dans la presse qui titra entre autres : « Pas de pitié pour Pauline Dubuisson », « Un monstre », « La hyène du Nord ». On vous en passe des meilleurs et des plus mesurés. Petit retour en arrière pour essayer de comprendre. Nous sommes en 1940 et Pauline a treize ans à Malo-les Bains près de Dunkerque. L’armée française vient de prendre une ratatouillée d’enfer. Pauline a grandi dans une famille religieuse. Son père l’a élevée à sa façon en la retirant de l’école pour l’endurcir. Ce colonel, entrepreneur dans le bâtiment, comprend rapidement qu’il peut décrocher des marchés auprès des Nazis qui ont besoin de béton pour reconstruire cette place forte. Or Pauline parle allemand et ne laisse indifférent aucun soldat. Pauline aura deux liaisons avec les occupants pendant la guerre. Cela lui vaudra d’être tondue à la Libération puis promenée nue dans la ville. Fut-elle aussi violée comme beaucoup l’ont affirmé, histoire de lui faire comprendre qu’il y a bien mieux que la bite à Helmut ? Philippe Jaenada en doute faute d’en trouver les preuves. Mais pouvait-elle vraiment porter plainte ? Arletty eut plus de chance quand elle se justifia en disant « Si mon cœur est français, mon cul est international ». La réputation de « pute des Boches » ne quittera plus Pauline. Elle est étudiante en médecine en 1947 quand elle rencontre Félix qui tombe immédiatement amoureux et la demande en mariage dès leur première nuit. Mais Pauline veut vivre et ne souhaite pas l’épouser. Leur liaison dure, Félix réitère sa demande et finit par rencontrer Monique Olivier. Une parfaite compagne pour ce futur médecin. Sage, modeste, qui ne demande qu’à être femme au foyer. Tout le contraire de Pauline. Tout le contraire aussi par son attitude car Félix ne touchera pas Monique avant leur mariage. Le temps passe et Pauline comprend peu à peu qu’elle ne peut vivre sans Félix. Ses errements sentimentaux ne l’ont pas apaisée. Elle le revoit une première fois et passe la nuit avec lui. Elle prétend avoir voulu se suicider quand elle le rencontre peu après le 17 mars 1951, mais Félix l’en aurait empêché en se jetant sur elle. Le coup de feu serait alors parti suivi de deux autres. La seule certitude est que le pistolet s’est alors enrayé et que Pauline a fait dans la foulée une tentative de suicide au gaz. Pauline est traînée dans la boue pendant le procès. Elle n’aurait pas eu deux amants pendant la guerre mais se serait fait basculer par tous les Frisés. L’accusation réfute le crime passionnel en expliquant que Félix étant fiancé, il ne pouvait coucher avec son ancienne maîtresse. Le procureur demande la peine de mort. Le jury le suit à l’exception de l’unique jurée. Pauline hérite donc de la perpétuité. Elle est incarcérée à la prison d’Haguenau où elle côtoie parmi d’autres condamnées Denise Labbé qui a tué sa fille de deux ans à la demande de son amant. Et qui était accessoirement secrétaire à l’Insee, comme quoi la lecture de Surbooké ne doit pas être prétexte à une moindre vigilance. Pauline sort de prison pour bonne conduite en 1960. Elle reprend ses études de médecine. Rattrapée par le succès de La vérité, elle prend un poste d’interne à Essaouira au Maroc. Les photos disponibles montrent une femme toujours aussi belle. Elle rencontre un ingénieur qui la demande en mariage. Avant de se rétracter en découvrant l’histoire de Pauline. Qui se suicide le 22 septembre 1962.

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