Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

La chair, Rosa Montero, Éditions Métailié

Fév 1, 2017 #Métailié

« Les femmes se font toujours avoir » pensa Soledad. La preuve : un gigolo est bien plus cher qu’une pute. Soledad sait de quoi elle parle puisqu’elle vient de consulter les tarifs sur site le AuPlaisirDesFemmes.com. Pas pour consommer mais pour se venger de sa séparation douloureuse d’avec Mario retourné faire un enfant à sa jeune femme. D’autant plus douloureuse que Mario a quarante ans et Soledad soixante. Elle est pourtant bien conservée, entretenant son corps avec application avec crèmes et teintures. Assidue d’un club de gym, pratiquant régulièrement le footing en leggins pour dissimuler d’éventuelles traces de cellulite. Car inutile de le nier, l’âge est bien là. Alors pour montrer à Mario qu’elle n’a pas besoin de lui, elle choisit de se montrer en voluptueuse compagnie à la représentation de Tristan et Iseult où son ancien amant doit se rendre avec son épouse. Son choix se porte sur Adam, 32 ans, 1,91 mètre, cheveux noirs, athlétique, parlant espagnol, français et anglais. Une belle bête. ll lui en coûterait 300 euros pour deux heures, hôtel compris. Mais compte tenu de la durée de l’opéra, ce sera 600 euros uniquement pour parader. Cher, très cher, même pour une femme qui gagne bien sa vie en organisant des expositions. L’histoire ne sera pas aussi simple. Adam se retrouve dans le lit de Soledad qui ne le regrette pas, mais qui doit acquitter une facture plus salée encore. Ils se revoient plusieurs fois par semaine, Adam revenant parfois gratuitement. Pour fidéliser sa clientèle ou par affection se demande Soledad qui y trouve son compte même si à Madrid comme ailleurs, la société supporte mal de voir une femme avec un homme plus jeune. Est-ce pour autant plus douloureux que de vivre seule dans un environnement dédié aux couples et qui impose aux femmes d’avoir des enfants ? Les deux protagonistes se révèlent psychologiquement fragiles. Soledad dans sa posture de femme indépendante qui se demande toujours si ce sera la dernière fois. Fragilisée par sa tragédie familiale avec une sœur jumelle internée pour sa folie. Une mère qui les a tyrannisées et un père qui a abandonné sa famille. Sous ses muscles, Adam n’est pas beaucoup plus solide. Immigré russe, il fait l’escort pour gagner sa vie car son métier d’électricien ne paye pas. Il prétend aussi avoir été abandonné par ses parents. Difficile pour autant de faire la part du vrai et du faux dans ce qu’il raconte. Leur vie se met en place et Soledad se permet de faire quelques cadeaux à Adam qui devient encore plus beau, paré de ses vêtements Adolfo Dominguez. Est-ce pour cela qu’elle développe une réelle jalousie et qu’elle accuse Adam de lui cacher la femme avec qui il vit. Ce qui ne l’empêche pas de lui confier pour quelques jours son appartement. On est bien loin du début de la liaison, quand Soledad découvrait sur AuPlaisirDesFemmes.com qu’une cliente ne devait pas emmener chez elle son escort. Aurait-elle tort de baisser la garde ?

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