Avec Cédric ils vivaient en pointillé. Avant chaque départ ils vérifiaient que l’assurance-vie et le testament du mari militaire étaient à jour. Cédric lui confiait une enveloppe contenant les mots de passe de sa messagerie et de son compte en ligne. Clémence apprit la nouvelle sans qu’on lui formule, quand elle aperçut cinq képis devant sa maison. Cinq comme le nombre de soldats qui venaient de mourir au Levant, en Syrie ou en Irak. Clémence n’en savait pas plus car son mari faisait partie des forces spéciales. Du Treize, un régiment qui s’était illustré dans la chasse des criminels de guerre dans l’ex-Yougoslavie. Un régiment installé entre Bordeaux et Arcachon, là où était située leur maison. C’est le colonel Biaggi qui lui annonça sa mort. Clémence était enceinte de trois mois. Ils avaient déjà trois enfants, Alexandre, Arthur et Lucas. Quand Clémence se présenta à la morgue en compagnie des autres veuves, le gouverneur militaire de Paris la prit à part. Il lui annonça que l’armée était dans l’incapacité de lui restituer le corps de son mari. Clémence Delmas pouvait tout imaginer. Qu’était-il arrivé à Cédric et que cherchait à lui cacher la « grande muette » ? Clémence apprit rapidement que l’opération montée par l’armée française s’était transformée en désastre. Le groupe parachuté avait pour mission de recueillir des renseignements puis de s’exfiltrer. Mais il fut repéré et l’hélicoptère appelé à la rescousse ne s’était pas pointé. Des militaires étaient morts, tués à la kalachnikov ou au lance-roquettes. Mais les autres ?
L’embuscade c’est l’affrontement avec les mensonges d’une institution
Journaliste, romancière, ancienne militaire, Émilie Guillaumin se sert de son expérience pour nous proposer un très beau portrait de femme ainsi qu’une description de l’armée. L’embuscade c’est la vie de Clémence amoureuse folle de son mari et qui est fracassée par l’annonce de sa mort. C’est sa lutte pour ne pas tomber et protéger ses enfants qui demandent quand reviendra leur papa. C’est la vie des compagnes de soldats amenés à côtoyer la mort de l’Afghanistan à la Côte d’Ivoire, de la Bosnie à l’Irak. L’embuscade c’est la face cachée de l’armée sans laquelle elle ne fonctionnerait pas. C’est la vie de parents privés de leur fils et qui en rendent responsable leur bru. L’embuscade c’est l’affrontement avec les mensonges d’une institution qui ne veut rien lâcher parce qu’elle se croit inaccessible. C’est la manière dont elle tente de manipuler les victimes, de peser sur la presse pour imposer sa vérité. Ce sont des portraits de hauts gradés, certains sans aucuns remords, d’autres qui peinent àleur formuler le message officiel. L’embuscade c’est une fin poignante.