Un roman exceptionnel. Polar, thriller, roman noir, roman social, peu importe. On devrait sans doute dire un Lehane tant cet écrivain se démarque des autres par la qualité de son œuvre. Lehane c’est d’abord celui qui raconte Boston, sa ville. Dans sa trilogie composée de Un pays à l’autre, Ils vivent la nuit et de Ce monde disparu. Dans Mystic River, dans beaucoup d’autres romans, et désormais dans Le silence. Lehane c’est aussi une série de héros, d’âpres lutteurs irlandais souvent issus de quartiers difficiles, jamais prêts à lâcher. Il nous emmène cette fois dans les pas de Mary Pat, élevée au milieu d’une fratrie dont on ne compte plus les membres, où elle a appris à cogner. Au point d’avoir un jour été frappée à la tête et d’avoir fini à l’hosto. Tout l’amour qu’elle n’a pas eu, Mary Pat en a fait profiter ses enfants. Mais voilà son aîné s’en est allé fauché par la drogue, découverte au Vietnam, mais qui ne l’a détruit qu’au contact des dealers de son quartier. Et c’est désormais sa fille qui a disparu.
Certains sont capables de dire à un jeune Noir qu’il ne court pas vite pour un Nègre
Alors comme Lehane est aussi un écrivain social, il nous décrit comment elle en est arrivée là. Comment les Irlandais des cités pauvres de Boston ont longtemps partagé les lieux avec les Juifs dans une paix plutôt précaire. Avant que les Noirs n’arrivent et que les Juifs s’en aillent dans les banlieues. Le racisme qui en a découlé, les mères l’ont transmis à leurs enfants dont certains sont capables de dire à un jeune Noir qu’il ne court pas vite pour un nègre. Ce que ne veulent pas voir tous ces Irlandais pauvres c’est que leurs malheurs viennent de leur communauté. Des plus riches qui s’excluent de la compétition raciale en se réfugiant dans leurs quartiers. En protégeant leurs enfants dans des écoles privées. En les faisant exempter du Vietnam par des médecins qui leur découvrent des pathologies. Ce que ne veulent pas admettre non plus toutes les Mary Pat des cités, c’est que la mafia irlandaise fructifie à leurs dépens.
Mary Pat semble sortir d’une chaîne de fabrication d’Irlandaises dures à cuire
21 juin 1974, Boston. Le juge fédéral W. Arthur Garrity Jr décide de mettre fin à la discrimination des élèves noirs. Il décide le transfert quotidien des enfants des quartiers majoritairement blancs vers des écoles des quartiers majoritairement noirs. Et inversement. La décision sera applicable dès septembre. L’été va être brûlant. Mary Pat Fennessy quarante-deux ans n’en veut pas pour sa fille Jules qui a dix-sept ans. Comme la plupart des habitants du quartier elle adhère à la cause Anti-busing. Elle se demande même pourquoi personne ne descend Garrity, ce qui mettrait fin à cette dictature judiciaire. Si Mary Pat semble sortir d’une chaîne de fabrication d’Irlandaises dures à cuire, Jules n’est comme elle. Elle est fragile, d’autant plus fragile que les drogues circulent en abondance dans leur cité de Commonwealth. C’est pourquoi sa mère regrette de ne pas avoir réussi à se tirer ailleurs. Mais comment faire quand on n’a même pas de quoi payer sa facture de gaz ? Quand on se retrouve seule larguée par son mari depuis sept ans. Et qu’on a déjà perdu un fils fauché par l’héroïne. Un matin Jules n’est pas rentrée de sa sortie nocturne avec sa copine Brenda. Pas de quoi inquiéter sa mère qui va prendre son service d’aide-soignante dans un établissement pour personnes âgées. Sauf que le temps passe et que personne ne sait lui dire où est passée sa fille.
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