Il fallait oser. Parce qu’écrire la suite de Bel-Ami, c’est s’inscrire dans les pas d’un des plus grands auteurs de la littérature française. On savait certes Harold Cobert doué, comme en témoigne La mésange et l’ogresse, sa version de la vie de Michel Fourniret et de sa femme. Mais de là à passer du portrait d’un prédateur sexuel à un remake de Maupassant, il y avait un monde. Pourtant Cobert y parvient en débutant son roman où s’achevait Bel-Ami. Avec les personnages de Maupassant plus ceux qu’il invente. C’est pourquoi il est préférable, si vous ne l’avez déjà fait, de commencer par lire Bel-Ami, histoire de découvrir la fulgurante ascension de Georges Duroy. Un jeune homme pauvre qui part à la conquête de la fortune sans se préoccuper de la morale. Ce fils d’aubergistes normands, qui ne mange pas tous les jours à sa faim au début du roman de Maupassant, gravit l’échelle sociale jusqu’à devenir le riche dirigeant du quotidien La vie française. Il se sera pour ce faire marié deux fois et aura abondamment trahi celles qui l’avaient aidé.
Comme le roman de Maupassant, celui de Cobert nous pousse à nous demander si nous avons réellement progressé depuis un siècle
Désormais fortuné, Georges Duroy aspire dans ce nouvel épisode à une vie politique en commençant par le palais Bourbon. Ce qui l’amène à se présenter à la députation sur ses terres normandes. Comme dans Bel-Ami, le roman de Cobert nous décrit une Troisième république corrompue où financiers et élus n’ont de cesse de s’entendre pour détourner les fonds publics sous le regard d’une presse souvent complaisante. Le scandale du canal de Panama, qui ruina nombre d’épargnants tout en enrichissant une grande partie des parlementaires, en constitue probablement la quintessence. Un scandale qui menaça de faire tomber la république, sur fond d’un antisémitisme qui allait triompher pendant l’affaire Dreyfus. Comme le roman de Maupassant, celui de Cobert nous pousse à nous demander si nous avons réellement progressé depuis un siècle. Car la démagogie d’un Duroy, qui ne se souvient de ses racines que le temps d’une élection, est toujours d’actualité. On pourrait dire la même chose des discours enflammés prononcés au Parlement, auxquels personne ne croit, et surtout pas ceux qui les tiennent. L’attrait du roman vient aussi des personnages féminins. Madeleine, la première épouse de Duroy, celle qui lui a mis le pied à l’étrier, et qui continue à œuvrer dans l’ombre en écrivant ses articles. Suzanne, sa seconde femme, qui lui a amené la richesse. Et surtout la mystérieuse Siegfried. Ces femmes, Duroy les a toujours domptées avec son irrésistible charme. Mais cela peut-il durer ?