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Le blog de Laurent Bisault

La grande peur de la montagne, Charles Ferdinand Ramuz, Bibliothèque numérique romande

Les anciens leur avaient pourtant dit. Mais ils n’en avaient fait qu’à leur tête. C’était des histoires. Le président du conseil général en tête poussait à louer ces pâturages, parce que la commune n’était pas assez riche pour s’en passer. Il faut dire que dans ce pays de montagne, il n’y avait presque que des vaches. À peine un peu de seigle pour faire le pain, quelques légumes, des fruits, pas de vigne. Alors autant profiter de l’herbe du pâturage de Sasseneire. Mais les vieux n’en démordaient pas, c’était leur vie qui était en jeu. Alors ils votèrent et les jeunes l’emportèrent. Ils partirent à sept en direction du pâturage le plus élevé de la commune, à deux mille trois cents mètres sous le glacier. Le maître fromager Crittin et son neveu, Joseph qui laissait sa future femme au village, un jeune garçon pour les tâches secondaires, deux adultes plus Clou dont ils se seraient bien passé mais qu’on n’avait pas osé refuser. Des sept, seul le vieux Barthélemy avait le papier. Celui qui devait le protéger, car Barthélemy savait. Crittin avait négocié la remise en état du chalet qui était en mauvais état. Les travaux effectués, tout semblait prêt pour accueillir les hommes et surtout les bêtes. Du travail ils n’en manqueraient pas entre la traite et la fabrication du fromage. Au début ce fut Barthélemy qui entendit les premiers bruits dans la nuit. Comme si on marchait sur le toit. Heureusement Barthélemy se savait protégé. Puis la maladie arriva. Celle qui faisait se coucher les bêtes. Quand ils le comprirent, ils envoyèrent chercher Pont au village. Il prit son sac, monta à Sasseneire et s’habilla de ce voile que l’on met quand on dérange les abeilles. Il leur dit d’abattre les bêtes atteintes, de les enterrer et de ne surtout pas redescendre au village. De toute façon des hommes armés étaient déjà postés sur le chemin avec ordre de tirer si nécessaire. Et la peur s’installa au village.

Quel auteur suisse connaît-on ?

La grande peur de la montagne a été écrit en 1925 par l’écrivain vaudois Charles Ferdinand Ramuz. Un auteur francophone très peu lu en France. Mais quel auteur suisse connaît-on ? Un peu Cendrars chez les anciens. Probablement Joël Dicker chez les romanciers contemporains, sans pour autant savoir qu’il est helvète. Mais Joseph Incardona a fait une telle publicité à Ramuz dans La soustraction des possibles qu’on a eu envie de le découvrir. Écrit il y a un siècle, La grande peur de la montagne est d’abord une ode à la nature et aux hommes qui la côtoient. Des paysans, des durs au mal, des taiseux. C’est aussi l’histoire d’une peur qui monte sans que l’on sache pourquoi et qui emporte tout. Au vu de la pandémie du Covid-19, le livre est d’une incroyable actualité en nous montrant comment réagissent les hommes pour se protéger.

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