Surbooké

Le blog de Laurent Bisault

Vanda, Marion Brunet, Éditions Albin Michel

Mai 19, 2021 #Albin Michel

Elle est rageuse Vanda. Cette femme de trente ans qui se bat contre la terre entière avec ses cheveux bouclés et son corps couvert de tatouages. Elle a un drôle de nom hérité de l’amour qu’avait sa mère pour Wanda Jackon la chanteuse de rockabilly, dont l’employé de mairie avait refusé le W qui faisait trop américain. Vanda est rageuse et fusionnelle avec son fils Noé, son Bulot de six ans qu’elle élève seule. Elle est du genre à le laisser dans la voiture quand elle part picoler dans les bars et à le regretter dès qu’elle le retrouve. Ils habitent un cabanon sur une plage de Marseille depuis la naissance de Noé, sauf parfois l’été quand le proprio en tire davantage avec les touristes. Pas beaucoup de place, juste l’eau, l’électricité, les toilettes chimiques. Et de quoi caser les enceintes pour écouter Les Clash, Bowie, Rammstein, les classiques. C’est en face de la Méditerranée, ce qui n’a pas de prix surtout les lendemains de cuite. Pour la machine à laver elle se débrouille à l’hôpital psychiatrique, là où elle fait des ménages. Contrat précaire, pas assez de personnel, et toujours au-dessus d’elle la menace du licenciement. Elle y va en bus maintenant que sa voiture a rendu l’âme malgré sa courroie de distribution neuve. Elle y respire les odeurs de merde et de javel avec celles qui comme elle se cassent le dos sans avoir le droit de réclamer mieux. Il est loin le temps où elle commençait les Beaux-Arts. Un jour apparaît Simon trente-cinq ans, son ex parti depuis sept ans, revenu pour l’enterrement de sa mère. Simon découvre ce qu’il n’avait jamais imaginé : il a un fils. C’est du moins ce qu’il croit, assurément pas ce que pense Vanda. Mais il s’accroche et décide de vivre dans l’appartement marseillais hérité de sa mère alors qu’il avait fait sa vie à Paris avec Chloé.

Le livre dresse le portait de la précarité marseillaise

Marion Brunet a écrit un roman sur la maternité et ce qui va avec. Le regard des gens sur les femmes qui ne respectent pas les normes alors qu’elles sont censées se sacrifier au profit de leurs enfants. Sur les insoutenables contradictions de celles qui les élèvent, toujours à regretter ce qu’elles se sont accordé. Sur les mecs capables de revenir après des années et qui revendiquent le droit de décider. Le livre dresse le portait de la précarité marseillaise, une ville où l’autrice vit mais qu’elle ne nomme jamais de peur de tomber dans les clichés. Une cité que Chloé trouve tragique, violente, sale. Elle qui a quitté la banlieue pour vivre à Paris, et qui ne souhaite pas s’installer dans un lieu qu’elle juge pire que son point de départ. La Marseille de Marion Brunet est grignotée par la gentrification amenée par le TGV, qui repousse ses habitants au loin et fait monter les loyers. C’est ce que vit Vanda contrainte d’aller travailler en Corse pendant l’été. Ceux qui se voyaient artistes peinent à faire leurs heures qui les inscriraient dans le statut d’intermittent. Alors ils s’en vont comme Simon l’a fait pour vivre de son métier de graphiste dans la capitale. Les autres peinent à survivre, et tout autant à le dire comme Vanda qui n’ose pas manifester avec ses collègues de l’hôpital psychiatrique. Un lieu de misère et de grande violence que Marion Brunet a fréquenté pendant des années en tant qu’éducatrice.


Wanda Jackson reine du rockabilly

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